Les prochaines élections pour la présidence de la F.F.TRI ayant lieu dans deux mois, par soucis d’équité, nous avons profité de l’occasion pour nous entretenir avec Philippe Lescure. Cela nous a permis de faire l’état des lieux du dernier mandat, mais aussi de connaitre ses prochains objectifs s’il remporte en mars prochain un cinquième mandat.
Cette élection a pris une tournure très médiatique, n’est-ce pas un problème en soi?
Les réseaux sociaux sont aujourd’hui des vecteurs de communication incontournables et c’est pourquoi j’y ai présenté mon projet que l’on peut retrouver sur le site : philippelescure.fr, mais les contacts « de terrain » avec les clubs, les organisateurs, les ligues régionales, les pratiquant-e-s, que j’ai pu nouer au fil des années, sont irremplaçables et probablement bien plus importants encore. Rien ne peut se substituer au contact direct.
Le populisme est un danger bien au-delà de notre sphère sportive, et ceux qui s’y risquent ne servent jamais l’intérêt général.
Cela peut paraître étrange de dire cela, mais on peut lire beaucoup d’internautes se prononcer sans réellement connaître les véritables enjeux et contraintes d’une fédération…
À l’approche des élections, les internautes réagissent et veulent s’informer, c’est légitime. Je constate aussi, lors de mes déplacements sur le terrain que les licencié-e-s et pratiquant-e-s apprécient de pouvoir dialoguer directement. Néanmoins, les élu-e-s et organisateurs, en charge de responsabilités au quotidien, connaissent bien les tenants et les aboutissants de la gestion d’une fédération, et savent tout le travail qui y est fait.
Mais votre question montre que nous devons mieux informer nos licencié-e-s et nos clubs des actions menées à tous les niveaux de la fédération. “Faire et mieux faire savoir” c’est un engagement majeur.
D’ailleurs, l’une des plaintes qui revient le plus fréquemment, c’est le fameux prix de la licence ou encore le prix des événements… N’y a-t-il pas une sorte d’individualisme qui s’est imposé à travers le temps parce qu’on devrait avant tout juger les réalisations pour l’ensemble des triathlètes?
Le prix des licences, des pass compétitions, des droits d’inscriptions et plus largement le coût de la pratique, sont toujours des sujets importants pour nos pratiquant-e-s, licencié-e-s ou pas. Effectivement, certains se focalisent sur ces aspects et nous devons y être attentifs.
Pour autant je pense qu’être dans un club ne se réduit pas au prix de la licence. Le club reste un lieu de pratiques sportives, de rencontres, de partage, de vie sociale tout à fait essentiel. Le club c’est la richesse du modèle associatif français. Nous devons absolument le préserver et lui donner les moyens de se développer encore. Je pense aussi aux millions de bénévoles qui font vivre nos clubs et qui sont les garants de l’esprit “club“. Qu’ils soient félicités et remerciés pour leurs actions.
Concernant le prix des droits d’inscriptions, les tarifs sont « libres » pour les organisateurs depuis longtemps et cela permet à chaque organisation d’avoir la capacité à organiser les compétitions qu’elle souhaite avec son propre modèle économique selon la course qu’elle veut proposer : régionale, familiale, compétitive, de haut-niveau, de masse etc. Tous les styles de pratique sont possibles. Cela permet d’avoir des épreuves régionales et conviviales à des tarifs tout à fait abordables, mais a également permis l’éclosion et l’organisation d’épreuves de dimension internationale organisées de façon très professionnelle.
Ces organisateurs professionnels pour la plupart recherchent également un gain financier et leurs tarifs s’en ressentent. Je constate néanmoins que le tarif s’adapte au public et que ces courses refusent très souvent du monde. Les triathlètes considèrent donc que les prix d’inscription dans ces cas-là ne sont pas encore dissuasifs, sinon ces épreuves ne feraient pas le plein. Ces tarifs élevés sont à mettre en perspective avec le prix de la licence annuelle, qui est parfois critiqué, mais qui pour le coup, ne paraît pas très élevé comparé au tarif d’une seule inscription. Pour ce qui concerne la F.F.TRI., nous avons depuis de nombreuses années une politique tarifaire raisonnable et stable, voire en baisse dans certains domaines comme les droits d’organisation, qui sont eux aussi parfois critiqués, mais plutôt par méconnaissance des coûts réels.
Le triathlon évolue et nous devons en permanence mettre le curseur au bon endroit afin que nos tarifs restent accessibles au plus grand nombre. Je propose d’étudier sereinement et sérieusement avec un groupe de travail dédié, l’ensemble des tarifs ou coûts dont une baisse éventuelle pourrait permettre de favoriser encore mieux notre développement pour la prochaine olympiade.
Mais comment se fait-il, qu’avec une licence, le triathlète lambda ne tire pas une véritable satisfaction à supporter les initiatives prises pour le haut-niveau, mais aussi tout ce qui touche la jeunesse, comme le programme Class Tri.
Probablement que nous n’expliquons pas assez à quoi est utilisé le montant des produits des licences outre l’assurance. Il y a un travail pédagogique précis à effectuer pour expliquer qu’une partie du prix de la licence permet une multitude d’actions collectives en faveur de public très divers et du développement de l’ensemble de nos disciplines. Quand on paye sa licence dans laquelle il y a d’ailleurs plusieurs « parts » (club, ligue, fédération) cela n’apparaît pas d’évidence au licencié.
Et à ma connaissance, il n’y a pas d’autres fédérations nationales impliquées dans autant de secteurs…
La F.F.TRI., ses clubs, ses organisateurs, ses ligues, ses comités départementaux mènent des projets majeurs dans beaucoup de secteurs et avec grande réussite : politique jeunes, féminines, formation, développement durable, santé, para triathlon etc. Sans doute nous ne communiquons pas assez avec nos licencié-e-s. Le ministère, les différentes institutions avec lesquelles nous travaillons connaissent nos actions, les soutiennent et saluent la qualité de nos projets.Nous devons encore améliorer notre communication envers la famille du triathlon. L’évolution de notre communication sera un grand enjeu du prochain mandat.
Chez Trimes, au fil du temps, nous avons appris à travailler avec la fédération. Et il faut avouer que dans la majorité des cas, s’il y a eu une synergie, il y a aussi une certaine frustration. La critique est généralement provoquée par un manque de communication.
Un exemple parfait, c’est la fameuse incompréhension du manque d’engagement fédéral avec les pros français en Ironman. Ce sujet est en boucle…
Les choses sont très claires. Les athlètes du Longue distance qui participent à l’obtention des titres mondiaux ITU, les seuls reconnus, sont aidés et accompagnés par la fédération. Ils peuvent par ailleurs participer aux courses Challenge ou Ironman sans restriction.
Pour le circuit Ironman c’est tout simplement impossible à l’heure actuelle, car une fédération ne peut financer des athlètes, souvent professionnels, qui courent un circuit privé, fussent-ils très compétitifs. Des évolutions se dessinent avec notamment le nouvel “accord“ Ironman-ITU. Cela devrait permettre une reconnaissance ministérielle et en conséquence, une intégration des courses Ironman dans les objectifs fédéraux.
Au final, la communication semble être le grand enjeu pour le prochain mandat non?
Oui, sans aucun doute, Un de nos premiers chantiers 2017 sera la refonte de notre site internet qui n’est plus adapté. Certains me disent « pourquoi pas plus tôt ? » Mais parce qu’il est impossible à une entité, quelle qu’elle soit, de mener budgétairement de front plusieurs sujets d’importance. Le développement de l’École française de Triathlon, et de multiples autres actions : féminisation, jeunes, sport santé, développement durable, aide à la professionnalisation, ont été les priorités de la dernière olympiade.
Aujourd’hui, nous devons clairement avoir d’autres outils de communication plus modernes et mieux adaptés. Nous devons passer à la communication 3.0.
D’ailleurs, le triathlon de Paris dans sa version originale était un formidable outil de communication…
Nous avons été pénalisés par le fait de ne pouvoir nager dans la Seine faute des autorisations administratives nécessaires.
Pour 2017, nous allons proposer un retour dans Paris intra-muros avec une natation au bassin de la Villette réhabilité et qui va accueillir également une grande compétition de natation.
Le parcours vélo traversera Paris jusqu’à la Tour Eiffel où se déroulera la course à pied. Ces parcours seront très séduisants et sécurisés.
Il faut remercier Anne HIDALGO que j’ai convaincue sans difficulté de ces changements et qui nous soutient personnellement et avec enthousiasme (un de ses fils fait du Triathlon).
Si nous obtenons les jeux à Paris, la Seine “s’ouvrira” alors complètement à notre projet 2024.
Dans les objectifs de la FFtri, il y a toujours cette fameuse médaille olympique… Pourquoi est-elle si importante? D’ailleurs, est-ce que l’on ne fait pas erreur dans tout ce processus? Parce que la structure nationale pourrait se contenter d’offrir un environnement propice à l’éclosion de talents. Gagner aux JO, tout cela se joue sur des circonstances…
Une médaille olympique et paralympique reste l’objectif sportif numéro 1 vers lequel doit tendre une fédération olympique. Nous faisons tout et nous le ferons encore davantage pour mettre nos athlètes dans les meilleures dispositions pour décrocher l’or olympique à Tokyo.
Après, cela reste effectivement la course d’un jour avec les aléas et les circonstances d’une telle compétition tous les quatre ans. Plus que jamais, nous avons l’ambition de mettre nos athlètes dans les meilleures dispositions possibles en perspective de 2020.
Pour ce qui est des résultats de nos jeunes, la qualité de la formation à la française, et nos résultats en témoignent, est reconnue dans le monde entier, mais nous ne sommes pas les seuls, de plus ce n’est qu’une des composantes d’un futur succès olympique.
Face à l’enjeu de la médaille, cela a forcément un effet sur les athlètes et la structure qui devient de plus en plus protectrice, et probablement trop…
La structure fédérale pour l’accompagnement du haut niveau doit être la plus performante possible. Nous disposons de cadres techniques, médecins, kinésithérapeutes, de grandes valeurs et totalement impliqués.
Pour autant, nous devons “ouvrir” davantage notre accompagnement fédéral aux autres acteurs qui entourent le haut niveau : clubs, structures régionales, entraîneurs et cadres techniques au-delà de la seule Direction Technique Nationale. Le partage d’expérience doit se développer.
Revenons à l’élection, c’est peut-être un raccourci, mais Florent Roy est perçu comme celui qui apportera le changement et vous, comme recherchant un 5e mandat. On pourrait définir cette élection comme l’expérience contre la jeunesse, non? Et pourquoi l’expérience devrait l’emporter?
Tout d’abord, il faut rappeler que la réforme de nos statuts, adoptés il y a un an, permet une large ouverture des candidatures.
J’ai souhaité cette évolution et je ne peux donc que me réjouir qu’il y ait un, voir plusieurs autres candidat-e-s, à la présidence de la F.F.TRI. (la clôture des candidatures est fixée au 15-2).
Les représentant-e-s des clubs et des organisateurs élu-e-s dans chaque AG de ligues seront les électeurs appelés à se prononcer le 18 mars lors de l’Assemblée Générale élective à Paris. Je pense qu’ils regarderont le chemin parcouru par notre fédération depuis plus de dix ans, le bilan réalisé dans tous les secteurs et le projet fédéral à la fois réaliste et ambitieux que je présente pour 2017-2021.
Je proposerai aussi une équipe expérimentée enrichie de nouvelles personnalités de femmes et d’hommes. Ma candidature s’inscrit, bien sûr, dans la continuité et la stabilité des actions en cours, mais aussi dans les évolutions et améliorations indispensables.
Si je suis élu, ce mandat sera mon dernier et permettra de préparer sereinement le passage de témoin.
Et votre mandat, reste très politique… je veux dire par là que beaucoup d’aspects sont déjà encadrés par le ministère et qu’une partie de votre rôle est de rassembler les différents acteurs pour suivre une ligne directrice… non ?
La convention d’objectifs que nous signons avec le Ministère est très encadrée effectivement. Je tiens d’ailleurs à souligner que tous les objectifs qui nous ont été assignés, dans tous les domaines, ont été réalisés, parfois même avant les échéances prévues. Si nous n’étions pas aussi bien « notés », notre subvention ne serait pas en hausse constante malgré des restrictions budgétaires importantes.
Notre gestion sportive, financière, humaine est reconnue et appréciée par notre ministère de tutelle. Ce n’est pas moi qui le dit mais nos interlocuteurs ministériels. Pour le reste, nous avons totale autonomie à mener une stratégie fédérale conforme à nos projets et orientations. Pour ma part je considère le rôle de Président comme celui qui doit être en capacité de fédérer aux mieux l’ensemble des composantes de la fédération vers un objectif commun partagé. Le rôle de représentation auprès des différents interlocuteurs extérieurs , instances nationales et internationales est aussi très important. La crédibilité joue un très grand rôle pour faire avancer nos dossiers.
L’exercice d’une election impose de la nouveauté par défaut, quels seront vos grands chantiers ?
Mon projet “Une nouvelle ambition, un défi partagé” propose 4 engagements majeurs pour faire avancer nos disciplines :
- OPTIMISER le service aux licencié-e-s, aux clubs, aux organisateurs, aux territoires
- OUVRIR la pratique au plus grand nombre
- AFFIRMER l’ambition olympique et paralympique
- COMMUNIQUER pour partager et fédérer
Nous visons également 75.000 licencié-e-s et 200.000 pratiquant-e-s en 2021 et de l’or à TOKYO.
Vous trouverez l’ensemble de mon projet fédéral de manière détaillée, sur le site internet dédié : www.philippelescure.fr.
C’est un sujet d’actualité, Pourquoi l’inclusion de nouvelles disciplines n’est pas un danger pour la fédération? Trop de couleurs distraient le spectateur.
Même si les différentes disciplines ont l’enchaînement en commun, avec le Raid, le SwimRun, suis-je pessimiste de croire qu’il sera très difficile à bien promouvoir tous ces sports ?
Notre fédération s’intitule fédération française de Triathlon et disciplines enchaînées depuis plus de 10 ans et il est normal de promouvoir l’ensemble des disciplines dont nous avons la délégation ministérielle.
C’est, je crois, une possibilité pour l’ensemble de nos licencié-e-s et pratiquant-e-s de trouver, au sein de la F.F.TRI., la discipline sportive qu’il ou qu’elle souhaite pratiquer. C’est une ouverture plus large et une accessibilité accrue à nos sports.
C’est aussi pour nos clubs et organisations de nouvelles possibilités de développement. Pour autant, Triathlon et Duathlon restent nos disciplines « historiques » et nous devons continuer à les promouvoir comme cœur de nos activités.
On souhaite aussi parler d’un enjeu important pour nous. Vous êtes derrière le projet de regroupement des fédérations francophones. Pourquoi cette initiative est importante et surtout est-ce que l’on peut espérer une plus grande place pour le français à l’international (ITU)?
J’ai pris l’initiative de créer, il y a trois ans, l’Association des Pays Francophones de Triathlon. Aujourd’hui, 23 pays sont regroupés dans cette association au service de la promotion et du développement du Triathlon dans les pays francophones.
C’est un magnifique projet que soutient la fédération internationale. La France y joue un rôle important, j’ai l’honneur de présider cette association depuis sa création et je viens d’être réélu à Madrid. Cela permet aussi d’accroître l’influence de la F.F.TRI. et des autres pays francophones dans la fédération internationale.
Nous avons pour objectif de faire élire, dans quatre ans, un représentant français à l’Executive Board de l’ITU.
Je précise que ce ne sera pas moi, car comme à la F.F.TRI. si je suis réélu, je mettrai un terme à l’ensemble de mes mandats à la fin de cette olympiade.
Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose?
Je veux juste souhaiter à notre fédération et tous ses membres, le meilleur avenir pour ces quatre prochaines années.