Manon Genêt est l’une des très rares athlètes qui se sont envolées pour Kona dès sa première tentative. Après seulement 3 saisons dans le sport triple, la jeune Française a décidé de passer pro pour 2017. Elle débutera d’ailleurs sa saison lors d’Ironman Afrique du Sud. Trimes s’est entretenu avec celle afin de vous faire découvrir ce nouveau talent.
Tu as commencé le triathlon il y a seulement 3 ans, quel était ton passé de sportive avant?
À la base, je suis gymnaste. Jʼai évolué pendant 10 ans sur les 4 agrès de la gymnastique artistique. Ce fut une bonne école où jʼai appris la rigueur et lʼassiduité. Jʼai aussi appris à cumuler les heures dʼentrainement et à mʼorganiser en conséquence puisquʼà lʼâge de 12 ans je faisais déjà mes 15h dʼentrainement par semaine!
À 16 ans je suis partie vivre aux États-Unis en famille dʼaccueil. Je brûlais dʼenvie de découvrir the American way of life et de speak english fluently ! Ce fut chose faite et en prime jʼaiapprisquelquesbasesennatation.
Cʼest en rentrant en France un an plus tard que jʼai découvert le triathlon au club de La Rochelle. Il me manquait un petit quelque chose pour croire en moi, mais je me suis promis de mʼy mettre sérieusement à la fin de mes études.
Quʼest-ce qui tʼa attiré vers le triathlon?
Je suis fille de parents (ultra) marathoniens, jʼai donc toujours baigné dans le milieu de la course à pied. Je mʼy suis mise à 16 ans, je nʼavais pas de cadre dʼentrainement, mais jʼaimais déjà enchainer les kilomètres ! Pour ce qui est du vélo, jʼai un gros passif de cycliste… de ville ! Mes parents mʼont très rapidement mise sur un vélo pour que je puisse faire les trajets jusquʼau gymnase en toute autonomie. Avec le recul, jʼai peut-être passé plus dʼheures sur mon vélo quʼà la gym ! La natation est venue un peu plus tard alors que jʼétais aux États-Unis. De retour en France, jʼavais donc une 3e corde à mon arc et le triathlon mʼest venu presque naturellement.
Ce que jʼapprécie dans ce sport cʼest son côté multidisciplinaire, il y a toujours matière à varier, à sʼamuser et à progresser ! Mais plus encore, ce qui me fascine aujourdʼhui, cʼest la précision de cette activité : il ne sʼagit pas juste de borner, mais bien dʼétudier et dʼanalyser tous les facteurs de performance et de contre-performance pour se connaître et se donner les moyens dʼaller chercher tout son potentiel.
Et là, tu surprends en annonçant que tu passes pro pour 2017. Quʼest-ce qui tʼa motivé à prendre ce virage dans ta vie?
Cʼest une surprise pour certains, mais une évidence pour ceux qui me connaissent ! En réalité, cela fait 3 ans que je consacre le peu de mon temps libre au triathlon en parallèle de mon boulot (responsable marketing pour lʼenseigne de sport Foulées). Jʼai commencé le triathlon assez tard, mais jʼai rapidement montré des qualités dʼendurance et ma courbe de progression est restée régulière.
Jʼai fait ma première saison de triathlon en 2014, jʼai commencé par lʼIRONMAN de Nice que jʼai fini en 10h39. Je me suis qualifiée cette année-là à Hawaii et aux championnats du monde 70.3 à Mont-Tremblant en groupe dʼâge. En 2015, jʼai obtenu ma 2ème qualification pour Hawaii à lʼIRONMAN Mallorca, que jʼai refusé. Mes résultats au niveau national progressaient, je gagnais mes 1ères courses distance half et jʼaidais mon club des Girondins de Bordeaux à accéder à la D2. Au championnat de France à Gravelines je prenais la 5e place.
Pour la saison 2016 jʼai décidé de mettre la distance IRONMAN entre parenthèses car lʼentrainement était trop compliqué à gérer avec mon boulot. Je me suis donc consacré au half en me disant que progresser sur cette distance ne serait que bénéfique pour un retour sur la distance reine.
Si jʼavais la secrète envie de commencer une carrière professionnelle depuis un moment, jʼavais aussi les pieds sur terre et je voulais avant tout assurer mes arrières. Faire des résultats dignes de ce nom déjà, mais aussi faire valoir mes études supérieures, avoir une expérience professionnelle dans mon domaine de compétences initial, mʼémanciper géographiquement et financièrement de mes parents. Bref, débuter ma propre vie et être libre de lui donner une autre tournure si lʼenvie me prenait.
En 2016 jʼai compris quʼil y avait quelque chose . tenter en triathlon quand jʼai tenu tête . des triathlètes professionnelles malgré mes conditions dʼentraînement moins faciles. Je pense aux Championnats de France où je termine 2e, au Natureman, aux half challenge de Salou (Espagne) et de Kanchanaburi (Thaïland) et à mes 5 victoires françaises sur half dont le TriathʼLong International de la Côte de Beauté.
Par pro, on parle bien dʼun emploi du temps totalement dédié au tri?
Effectivement. Depuis 2 mois maintenant mes journées sont entièrement dédiées à lʼentrainement, à la récupération et à mes relations avec mes partenaires. Ca me change la vie.
Est-ce que certains ont tenté de te dissuader dans ce projet?
Absolument personne ! Je nʼai pas lʼhabitude de demander lʼavis de tout le monde avant de prendre une décision – surtout aussi importante. Il y a quelques piliers dans ma vie dont lʼavis compte énormément, mais pour le reste jʼécoute les conseils de celles et ceux qui mʼinspirent et qui ont une expérience concrète à partager. Avant de prendre cette décision jʼai surtout analysé la faisabilité du projet, une fois que jʼai compris que tous les voyants étaient au vert pour me lancer, plus personne ne pouvait mʼarrêter!
En réalité jʼai même été plus encouragée que dissuadée!
Mais, cela reste un sacrifice conséquent… Et puis, cʼest lʼinconnu!
Prendre le statut pro cʼest lʼinconnu dans le sens où je vais découvrir cette année et au moins la suivante ce que je vaux par rapport au gratin mondial. Après cʼest une décision mûrement réfléchie et une aventure dans laquelle je suis accompagnée et encadrée.
Et puis, ça ne pourra pas être plus lʼinconnu que partir seule à 16 ans dans une famille et un pays étranger…!
Est-ce que tu peux nous parler de ton environment dʼentrainement, qui sont tes coachs?
Je suis entrainée par Frédéric Lureau avec qui je partage aussi ma vie. Fred à sa propre société de coaching, il propose des programmes dʼentraînement individuels et entraîne également plusieurs clubs de triathlon dans la région toulousaine.
En triathlon, cʼest lui qui mʼa tout appris. Et si jʼai pu faire ce choix professionnel, cʼest avant tout parce que je me sais encadrée par une personne qui connait très bien son métier et qui me connaît par coeur!
Je suis licenciée au club des Girondins de Bordeaux et je ne peux donc pas participer aux entrainements club. En vélo et course à pied, je mʼentraine essentiellement seule. Jʼai pu rejoindre ce début dʼannée le club de lʼUS Colomiers Natation et bénéficier du suivi de Stéphane Croity et de lʼémulation du groupe dʼentrainement.
Maintenant que jʼai du temps à y consacrer, je fais également attention à ma récupération, pour cela je suis suivie par le kiné Philippe Averous.
Et jʼimagine que même si tu as toute la volonté du monde a tʼentrainer très fort, il va aussi fallu trouver des partenaires…
Cʼest en étudiant la faisabilité du projet que je me suis penché sur la question des sponsors. Comme tu le dis, aujourdʼhui la plupart des triathlètes professionnels en longue distance vivent uniquement de leurs primes de courses et de leurs sponsors. Jʼai eu la chance de rapidement trouver plusieurs partenaires prêts à mʼaccorder leur confiance : cette année je nagerai en MAKO, roulerai sur un vélo TREK et courrai en HOKA ONE ONE. Je nʼoublie pas mes partenaires Anita Active, Isostar, Rudy Project, Ceramiq qui mettent à ma disposition le meilleur équipement. Je nʼoublie pas non plus ma salle de sport Fitness Park et mon club des Girondins de Bordeaux qui mʼaccompagnent quotidiennement.
Comment tu te qualifierais comme athlète? (Forces et faiblesses).
Ma force est de ne pas dévoiler mes faiblesses!
As-tu le sentiment dʼêtre à part des fois?
Triathlète professionnel(le) est un véritable choix de vie que je commence à peine à découvrir. On est maître de son emploi du temps et décisionnaire de chaque action. On met soit même en place les moyens en vue dʼun objectif. On calcule, on analyse, on est stratège. Cʼest une prise de risque et un pari sur lʼavenir. Mais quelle aventure ! Et cʼest à mon avis le lot de tous les entrepreneurs, après, chacun sa spécialité.
Pourquoi crois-tu que tu vas réussir?
Parce que cʼest en tentant quʼon se donne une chance de réussir !
Parce que je suis très bien entourée et parce que jʼai des cartes à jouer dans un milieu qui me passionne.
Est-ce que tu penses déjà à Kona dans un futur proche ou tu préfères voir sur le long terme? Tu dois savoir que depuis le nouveau format de qualification, aucune Française nʼa pris le départ.
Kona fait partie de mes objectifs. La qualification en pro est très difficile et la première lʼest encore plus ! Cette année sera consacrée à acquérir de lʼexpérience et voir comment je me situe par rapport aux meilleures.
Mon entraineur me répète souvent : « Qui va piano va sano ». Je préfère construire les bases solides dʼune longue carrière que brûler toutes mes cartouches dès le début. Notre corps est notre outil de travail et nous nʼen avons quʼun!
Quelles sont tes prochaines courses.
Je commencerai la saison avec lʼIRONMAN dʼAfrique du Sud le 2 avril. Ensuite plusieurs courses sont prévues sur le circuit IRONMAN ainsi que des grands RDV nationaux. Je serai aussi sur quelques manches du circuit Grand Prix D2.
Que faut-il te souhaiter pour les prochains mois?
1/ De ne pas croiser un aileron en Afrique du Sud
2/ Une saison pleine
3/ Du plaisir
4/ Du plaisir
5/ Encore du plaisir … !