Ce week-end pourrait être marquant pour le milieu du triathlon longue distance puisque Alistair Brownlee fera sa première véritable sortie en 70.3 lors de la course de St-George en Utah.
Comme à son habitude, le double champion olympique souhaite la confrontation. Il affrontera les véritables spécialistes sur cette distance avec des athlètes comme Lionel Sanders, Sebastian Kienle (double champion du monde 70.3). Cette course offrira une densité digne d’un championnat du monde.
Face à ce challenge, on devrait rapidement en savoir plus sur son potentiel, mais la question est plutôt, faut-il vraiment en douter?
Etonnamment, face à cette volonté à transporter son talent vers la distance Ironman, nombreux semble douter de ses capacités à encaisser une charge de travail différente. Malheureusement, cette interrogation vient à nouveau illustrer une méconnaissance des nouvelles demandes chez les triathlètes en ITU.
Alistair Brownlee a toujours été une sorte de précurseur dans la distance olympique, c’est lui qui a changé le visage de la WTS en imposant ses dynamiques de courses. Une course sans les Brownlee perd toujours en intensité. Leurs adversaires courent pour ne pas perdre et non pour gagner.
Mais en arrière scène, on retrouve aussi un athlète qui s’entraînait différemment. Si beaucoup pensent que le succès des Brownlee passe par plus d’intensité à l’entrainement et des efforts axés avant tout sur la course à pied, c’est justement le contraire.
Alistair est animé par ce que l’on pourrait qualifier d’une obsession pour la victoire… qui l’a porté à en faire plus que les autres.
À lire. La méthode des Brownlee
La force des Brownlee passe par deux aspects, un travail en aérobie massif et une intention particulière à la capacité anaérobique. Là où les fédérations se fixent des objectifs de temps à courir, les frangins ont toujours su dépasser la demande en imposant un tempo au dessus des attentes.
Leur régime n’a jamais été dédié à la course à pied mais bien à base de nombreuses heures sur la selle. La distance n’y changera rien.
Alors contrairement à ce que l’on peut lire, Alistair n’aura probablement pas besoin d’une période d’adaptation sur la distance 70.3, bien au contraire, le travail effectué ses dernières années réponds déjà aux exigences de cette distance.
D’ailleurs, rappelons-nous que Jan Frodeno avait pratiquement connu instantanément la victoire sur le 70.3 à quelques détails près. Outre son DNF lors de ses premiers championnats du monde, le champion olympique de 2008 s’était fait battre par Javier Gomez lors de l’édition du mondial à Mont-Tremblant. Si la course s’était effectivement plus décidé sur un aspect tactique qu’athlétique, Javi avait démontré que courir un semi n’était pas un véritable obstacle pour ce quintuple champion du monde ITU.
Mais est-ce que Alistair Brownlee pourra véritablement encaisser ces courses ? Chez Trimes, on préfère voir cela différemment, si certains se demandent si Ali pourra s’adapter, nous on pense justement que la longue distance lui correspond mieux.
Pourquoi? Parce qu’il ne se fera plus imposer un calendrier, un pro sur le circuit Ironman décide de ses courses. Il ne subira plus le fait de devoir enchainer les séries mondiales en se devant de maintenir un niveau de forme 7 mois par an.
Maintenant, c’est aussi une question de nouveauté, Alistair aurait pu perdre sa motivation en restant sur la WTS (série mondiale). À l’instar de Jan Frodeno qui considérait son titre olympique comme plus important que Kona (avant de la gagner), les choses ont bien changé depuis.
Ses 2 victoires aux championnats du monde ont permis à l’Allemand d’obtenir un autre statut. Pour preuve, son trophée Laureus dans la catégorie sport extrême.
Alistair Brownlee est certainement très conscient de cela. Dans son cas, il ne veut pas simplement gagner sur le circuit Ironman, il veut avant tout le dominer. Il veut s’imposer avec la plus grande marge possible sur le second.
Le questionnement actuel reste légitime. Est-ce que son corps pourra encore tenir la distance. Alistair a multiplié les blessures au niveau de ses pieds. À nouveau, cela peu paraitre surprennent, mais le régime Ironman ne le fera pas courir plus, bien au contraire. D’ailleurs, on ne dit pas à un Mo Farah qui gagne le 5000m et 10000m aux JO qu’il ne pourra pas tenir un marathon. Bien au contraire, ces athlètes ont obtenu une force musculaire qui est à leur avantage pour passer vers les distances reines.
Il ne fait aucun doute qu’il voudra rapidement s’approprié ce nouveau terrain de jeu. À l’image d’un Tiger Wood en Golf, le succès d’Alistair Brownlee sur Ironman pourrait rendre le sport triple plus populaire. Il y a toujours eu cette fascination derrière les athlètes dominants qui finissent par être plus grands que leur sport.
Maintenant, pourquoi Alistair Brownlee pourrait ne pas réussir sur la longue distance. Évidemment, les deux frangins du Yorkshire collectionnent les victoires, mais aussi les coups de chaud. Quand on a déjà mis les pieds à Kona, on comprends rapidement que cette course demande une adaptation à la chaleur qui n’est pas donnée à tous.
Mais le second point est le fait qu’Alistair ne fait pas dans le calcul. Sa marque de commerce s’est de se donner à fond dans les trois sports pour créer la sélection et exploiter les faiblesses de chacun. Pour lui, c’est l’athlète le plus complet qui doit l’emporter. Pour preuve, des athlètes comme Mario Mola ou Richard Murray ne se sont jamais imposés lorsque le Britannique était à 100%.
Mais est-ce que ce manière de faire pourra véritablement passé la distance, ça, c’est une autre question. Alistair à cette folie incontrôlable qui pourrait ne pas faire la distance, mais n’oublions pas que sa feuille de route est pratiquement parfaite. Il a toujours eu une longueur d’avance en termes de performance et de tactique.
Notre interrogation est la suivante, est-ce qu’un athlète pourrait lui faire perdre la raison en longue distance. Lui qui a toujours su imposé sa loi lors des courses. Est-ce qu’Ali pourrait véritablement perdre le contrôle. Déjà à St-George 70.3, on devrait voir le double champion olympique tenter d’étouffer Sanders et Kienle par un effort natation et vélo les gardant à distance. Ils pourraient devenir les nouveaux Mola et Murray du la longue. Est-ce que Jan Frodeno prendrait aussi des allures de Javier Gomez…
Même si le dénigrement habituel de la distance olympique face à un effort pas assez individuel permet à certains de croire qu’Alistair ne pourra pas s’imposer sur le circuit Ironman, attendez-vous au contraire. Il risque fort de révolutionner à nouveau son sport et, quelle que soit la distance, cela n’y changera rien.