On est toujours amusé ou agacé par le jugement des amateurs sur le circuit ITU. Pour beaucoup, dès lors que le drafting est autorisé, le succès dépendrait uniquement du talent de l’athlète en course à pied. Les deux premières disciplines ne serviraient à rien…
Déjà, lors des débuts de Jan Frodeno sur le circuit Ironman, il nous mentionnait une sorte de manque de reconnaissance face à son titre olympique. Il lui fallait gagner Kona pour atteindre la véritable reconnaissance des amateurs. D’autres exemples sont encore plus frappants, comme Javier Gomez qui réussit à mettre la main sur le titre ITU et Ironman 70.3 à une semaine d’intervalle (saison 2014).
Pourtant les perceptions semblent toujours aussi immobiles. On est dans cette logique où l’ont reconnait pas le niveau de performance de l’athlète, mais bien la maitrise d’un effort en fonction de sa durée. Si l’athlétisme semble avant tout mettre de l’avant Usan Bolt (100m), le triathlon est à contre-courant et semble vouloir sublimer que son marathon, soit l’Ironman.
Le passage d’Alistair Brownlee du circuit ITU à la longue distance 70.3/Ironman en est d’ailleurs encore plus passionnant. Dans le cas du Britannique, son double titre olympique devrait déjà lui permettre d’être considéré comme le plus grand triathlète mondial. Pourtant, à en écouter vos commentaires, seule une victoire à Kona lui permettra à être éligible et de rejoindre des légendes comme Dave Scott et Mark Allen.
Mais dans le fond, profitant d’une certaine relâche post JO de Beijing, depuis 2009, Alistair Brownlee est le nouveau roi du triathlon, il a su imposer sa loi sur un principe très simple, exploiter la moindre faille de ses adversaires. La recette n’a jamais changé, rendre la course sélective de la natation à la course à pied.
Alors que beaucoup continue d’entrevoir le triathlon olympique se décidant sur une vitesse de pointe en course à pied, Brownlee a justement refuser cette spécialisation en souhaitant être le meilleur sur tous les aspects.
Ce savoir-faire qui reste unique permet à Alistair de ne jamais perde le contrôle sur la course. Cela fait donc presque une décennie que ses adversaires n’ont toujours pas trouvé de parade.
Dans le milieu, on sait que lorsqu’il est à 100%, il est tout simplement imbattable.
Fort conscient de sa force, il est intimidant à point que pour ses adversaires, rares sont ceux qui pensent réellement pouvoir le battre. D’ailleurs, ses mots sont souvent choisis en conséquence afin de perdurer ce statut. Ses victoires ne sont jamais des surprises à ses yeux et rares sont ceux qui semblent gagner son respect. Seul lui peut gagner une course et oser dire n’avoir pas tout donné…
En débutant en 70.3, Alistair aurait pu faire le choix de faire la transition en douceur, mais il savait qu’il devait tout de suite instaurer son nouveau trône.
Sa performance à Ironman St-George 70.3 est à l’image de sa dominance en ITU. Le contrôle de la course ne lui a jamais échappé. Dès le début du vélo, il a instaurer un rythme afin de décourager la concurrence. C’est la base de sa réussite, ne jamais laisser ses adversaires croire dans leur chance, lors de l’épreuve dans l’Utah, sans repère, il impossera un rythme qui ne permettra pas à super bikers références comme Lionel Sanders et Sebastian Kilene (ALL) de revenir. Rappelons-nous que lorsque l’Allemand a gagné ses titres mondiaux (2x 70.3 et 1x Ironman), il était perçu comme un cycliste nettement au-dessus du lot. À sa première victoire à Las Vegas, il avait tout simplement « outbiké » ses adversaires par plus de 5 minutes. Les pros ont donc dû s’ajuster…
Si l’ont pouvait s’attendre à un haut niveau de performance à vélo par Alistair, le voir rivaliser avec Sebastien Kienle dès sa première présence sur le circuit reste bluffante.
À l’exception d’un Lionel Sanders (CAN) qui voit en Alistair Brownlee une source de motivation pour nager encore mieux. Concédant presque 3 minutes dans l’eau, le Canadien termine pourtant son 70.3 à moins d’une minute du champion olympique.
Avant de croire que Sanders est plus fort que Brownlee en course à pied, n’oublions pas qu’Alistair aime le mystère. Courant dans deux semaines, on peut imaginer qu’il a géré son effort pour s’assurer de sa victoire. On ne connait toujours pas sa véritable limite.
Mais après tout, le message est toujours le même, si Alistair est à 100%, il sera intouchable. Probablement que seul un Jan Frodeno (ALL) pourrait profiter d’un manque d’expérience du Britannique sur 70.3. On devrait d’ailleurs avoir la réponse dans deux semaines. L’Allemand ayant annoncé qu’il prendrait le départ de Barcelona 70.3, le Britannique a décidé de venir le confronter, comme s’il voulait rapidement déloger Frodeno de son autre trône.
Ce qui est le plus étonnant avec cette victoire à St-George, c’est qu’elle suscite encore plus de questionnement. En gagnant en menant la course de A à Z, il démontre qu’il maitrise déjà son sujet, mais surtout, qu’il n’a aucune raison de ne pas dominer le circuit ironman.
Pour tous ceux qui voyaient déjà des athlètes comme Lionel Sanders ou Jan Frodeno comme imbattable, Alistair viendra probablement placer la barre encore plus haute, mais surtout il vient presque discréditer les athlètes de la longue distance.
Alors, comment expliquer son succès? Évidemment il y a plusieurs pistes. Sans aucun doute, il a un niveau de confiance hors-norme, mais aussi un profil athlétique plus complet. En fait, il a tout simplement défié toutes les notions dites établies en termes de pratique, répartition et niveau de volume.
D’ailleurs quand on voit le succès rencontré par Non Stanford et Vicky Holland, qui s’entrainaient aussi à Leeds, on peut croire que le staff britannique a su développer un savoir-faire unique. N’oublions pas que le triathlon n’est pas un sport très développé et qu’il y a encore beaucoup à faire en termes de savoir.
Évidemment, l’actualité sportive nous a démontré que dès lors qu’un athlète domine son sport, il est impossible d’écarter la notion de dopage. Encore plus quand l’athlète en question a un impact notoire sur la popularité de sa discipline. Cela serait naif de croire que cela est impossible. L’attitude et la personnalité d’un athlète ne sont pas des preuves implacables nous permettant de le juger. À nous de rester attentifs et de ne pas tomber dans la facilité.
Rationnellement, une domination peut tout de même s’expliquer par une manière de résoudre un problème différemment. Exemple parfait, on peut s’entrainer pour courir 30 minutes contre, on peut s’entrainer pour ce courir ce temps mais en faisant les trois premièrs kilomètres en 2:40 par kilo…
Si la domination d’Alistair peut ressembler à un affront pour les pro du circuit, elle est pourtant proche de celle qu’il a généré en ITU. Notre fascination face à lui demeure intacte par le fait que personne ne semble en mesure d’identifier ce qui rend Alistair si unique.
Mais au final, elle doit être vue comme une motivation à se questionner continuellement sur les efforts à faire pour réussir. Dans notre cas, on aime voir dans Alistair une sorte de précurseur.
Tout est une question de savoir comment et jusqu’où l’ont peut repousser ses limites…