Jan Frodeno est une encore une fois, le grand gagnant du week-end, pas simplement parce qu’il a remporté le 70.3 de Barcelone, mais plutôt parce qu’il remporte sur un terrain qui est soi-disant par pour lui… Même si le champion olympique de 2008 n’a pas été si foudroyant sur deux roues, il a clôturé son effort par une excellente course à pied lui permettant de franchir l’avance par 4 minutes sur le second et son partenaire d’entrainement, soit l’Australien Nick Kastelein.
Comme on aime le dire, Frodeno a envoyé des messages à ses concurrents…
Cela fait désormais quatre ans que la fierté allemande est désormais sur le circuit ironman. Après avoir gagné un titre mondial 70.3 (2015) deux fois Kona (2015-16) et conquis officieusement le record du monde Ironman à Challenge Roth, on peut se demande à quoi devra carburer Frodeno pour continuer sa suite. N’y voyez pas d’allusion, mais juste notre éternel questionnement à savoir ce qui permet à un élite de ne jamais être à court de motivation.
Connaissant les sacrifices à faire tous les jours, seule la victoire permet de résister à l’usure… Si certains voient les courses comme une suite logique, c’est pourtant une remise en question constante avec des allures de stop ou encore.
Justement, à encore croire les récents propos de Jan Frodeno, il s’est dessiné une nouvelle ligne directrice pour 2017, « mon premier et seul but cette saison, c’est de réussir la course parfaite à Kona. Cela n’est pas relié à un résultat, et non plus à un temps, c’est avant lié au processus afin de s’y rendre, atteindre l’excellence tous les jours et y aller en étant à mon meilleur ».
Dans ces propos, le plus étonnant est que l’Allemand admet que pour la longue distance, il n’a pas toujours eu le feu sacré en lui . Beaucoup on oublié son abandon lors des championnats du monde de 70.3 en 2013 à Las Vegas. Lors de ses débuts sur le circuit Ironman, il a aussi dû se remettre en question.
« On peut dire que je voulais être le champion du monde, mais je n’étais pas totalement dédié… Avant, je pensais surtout que c’était un sport pour les vieux, pour les gars lents, à cette époque, j’aurai probablement dit qu’il faut faire une fois dans sa vie Kona, pour un triathlète, c’est comme cela. »
Beaucoup l’ont oublié, le cycle olympique suivant sa médaille d’or a été synonyme de frustration. Entre les blessures et l’émergence d’un Alistair Brownlee révolutionnant la discipline, sa sixième place lors des Jeux olympiques de Londres a été perçue comme un résultat honorable.
En se rendant à Kona en spectateur, Frodeno a pris l’ampleur de la course locale. Surtout, une lumière s’est rallumée en lui. L’Allemand aurait très bien pu quitter le sport avec le sentiment que son corps ne pouvait tout simplement plus le suivre, mais au contraire, il trouva dans l’Ironman une nouvelle motivation, mais aussi des nouveaux adversaires.
Est-ce que les Brownlee ou Gomez l’ont finalement chassé du circuit ITU. On a notre idées sur le sujet. Les blessures peuvent toujours être interprétées comme une fatalité. Mais dans les faits, il existe un phénomène de surenchère. Le milieu de l’ITU est aussi secret qu’une partie de Poker.
Durant le cycle olympique de Londres, les athlètes ont progressivement augmenté leur volume et le nombre de sessions avec de l’intensité. Beaucoup sont tombés au combat.
Pour Frodeno, le projet Kona était tout simplement une seconde chance, « tout d’un coup, mon attitude à changer parce que j’avais à nouveau un objectif. J’avais à nouveau une vision, tout cela combiné au fait que j’ai été blessé pendant 6 mois sans avoir la garantie que je puisse recourir un jour, tout cela a généré en moi un sentiment de gratitude et d’humilité. Cela a rendu les choses beaucoup plus faciles pour la suite. Je voulais être à nouveau bon… »
On connait la suite. Gagnant en 2015 son premier Kona, sa défense sera encore plus remarquable avec son duel contre Sebastian Kienle.
Seulement cinq femmes et hommes ont réussi à défendre leur titre, en gagnant une fois de plus, il rejoindrait plusieurs légendes comme Mark Allen, Dave Scott, Natascha Badmann ou encore Chrissie Wellington. Aucun athlète n’a gagné trois fois de suite depuis 2009.
La route vers Kona s’arrêtera à Ironman Autriche. Contrairement aux années passées, Frodeno a décidé de valider plus rapidement sa qualification pour les championnats du monde. Étant un ancien champion, il doit simplement terminer un ironman pour être automatique qualifié.
« J’ai décidé de faire cette course parce qu’elle est plus tôt que Roth et Frankfort, cela me donnera plus de temps pour me reconstruire et me concentrer sur cette fameuse journée… Tout mon esprit est déjà sur l’ile, quand je fais des intervalles, quand je pense à mes stratégies, je pense déjà au 14 octobre ».
Si Frodeno fait abstraction de la notion de temps, les médias lui feront rapidement rappeler qu’aucun pro n’a cassé la barre mythique des 8h à Kona. Si Crowie a été l’athlète le plus proche, beaucoup voit en « Frodo » un athlète nettement plus complet.
Est-ce que l’Allemand est déjà dans une course contre le temps? Tout cela est qu’une pure spéculation, mais avec l’arrivée prochaine d’athlète de la génération d’Alistair Brownlee et de Javier Gomez, si Frodeno a mis à sa main l’Ironman, cela ne pourrait être que momentané.
Pour revenir à sa performance à Barcelone. Ce qui nous étonne à nouveau, c’est la capacité de ce champion à produire des efforts sans faille et sans erreur. Il y a un niveau d’exécution qui est tout simplement hors-norme.
Il y a justement un parallèle intéressant à faire avec la dernière édition d’Ironman Lanzarotte. Il y a constamment un brassage de carte entre les différents pros. Un récent gagnant Ironman peut rapidement se retrouver à l’extérieur du top 5.
Si on souligne le niveau de performance d’un athlète, c’est surtout la constance de Frodeno qui nous bluffe. L’actuel champion Ironman maitrise son sujet comme s’il l’avait tout simplement écrit.
Photo credit: @fx_makesapicture – Propos requis par Bahreïn Endurance 13