Emilie Morier a ce soir un bien lourd poids sur ses épaules. Depuis la sixième place de la France au relais mixte d’Hambourg, elle est accusée d’avoir ruiné les chances d’une équipe nationale en très bonne place après l’excellent passage de relais de Dorian Coninx en tête avec 10 secondes d’avance et qui signe le meilleur temps de l’épreuve…
Tout le monde s’interroge sur la place de cette jeune athlète à ce niveau de compétition. Mauvais jour ou mauvaise sélection ?… Si les résultats de l’équipe de France allaient aussi vite que les critiques formulées nous serions depuis longtemps triples médaillés olympiques !
Aussi avons nous souhaité rappeler à tous quelques faits avant de clouer trop vite au pilori Emilie Morier : une athlète victime d’un système qu’elle a pourtant essayé de dénoncer.
1/ Le poids d’une faveur
Le 1er avril 2017, suite à son absence de résultat à la coupe d’Europe de Quarteira, Emilie Morier, en larmes, s’ouvrait auprès du cadre de la fédération, Carole Péon, de ses doutes quant à la légitimité de sa qualification.
En effet, elle faisait partie de l’équipe de France, « tous frais payés » quand d’autres filles, comme Justine Guérard, « galéraient » pour payer leurs déplacements ou n’étaient même pas sélectionnées, comme Mathilde Gauthier… Ces « laissées pour compte » de la FFTri signant pourtant toutes deux de bien meilleurs résultats qu’elle.
Emilie Morier avait alors avec courage évoqué la duplicité d’être entraînée par Stéphanie Deanaz à la fois entraîneur au pôle Montpellier et entraineur national… Lorsque l’entraineur est à la fois juge et partie, difficile pour l’athlète de croire en son seul talent pour justifier sa sélection… Le poids du favoritisme supposé pèse parfois lourd au départ d’une course, en tout cas pour une athlète intègre.
Elle avait alors clairement émis le souhait d’être entrainée par Carole Péon, pour se détacher de toutes les autres filles de l’équipe de France (Cassandre Beaugrand, Léonie Périault, Sandra Dodet), toutes sous la coupe du même entraîneur/sélectionneur.
Un besoin pour elle de s’affranchir de ce doute d’être favorisée grâce à un entraîneur bien placé…
Soulignons qu’il n’est jamais simple d’oser dire non, à la fédération et à son entraineur national, sans risquer de se fermer des portes. Franck Bignet ancien DTN en avait lui même en son temps fait les frais en tant qu’athlète…
Les réponses alors apportées par la FFTri aux requêtes d’Emilie furent de deux ordres :
- sa sélection repose sur son attitude de gagnante à Cozumel et sur les tests à l’entraînement qui montrent ce “qu’elle vaut tous les jours à la maison”. Argument peu convainquant car là aussi les tests maison viennent du “juge et partie”.
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et lui suggérer d’en parler à Jérôme Drouard, le préparateur mental de la FFTri.
Le non cumul des mandats existe en politique. Pourquoi pas dans le triathlon de haut niveau ? Une loi de moralisation des acteurs de la FFTri serait sans doute une bonne chose pour nos athlètes. Emilie Morier ouvre la porte à ce questionnement.
2/ Un potentiel face à une absence de résultats probants
Des tests fantastiques à la maison : c’est bien. Des résultats en course : c’est mieux !
Depuis 3 mois, Emilie Morier aurait pu se prouver par ses résultats que ses qualifications en équipe de France étaient parfaitement justifiées et qu’elle n’était pas seulement “championne du monde à la maison” pendant les tests, mais aussi en course.
Malheureusement, elle ne fit que 25ème à Madrid le 28 mai (après Justine, Mathlide, Margot, Léonie, Cassandre et Sandra) et à 8 minutes de la tête.
Le 18 juin à Kitzbuhel lors des championnats d’Europe elle fait partie de l’équipe relais, et décroche une médaille d’argent… mais le ressenti fut que l’or échappe à l’équipe de France en raison d’une mauvaise course à pied… de sa part… à plus d’une minute du temps de Cassandre sur 1,6 km.
Pourtant malgré cela, la FFTri décide de la sélectionner pour Hambourg, ancrant sans doute encore d’avantage inconsciemment dans l’esprit de la jeune athlète son illégitimité à être de la partie.
En même temps, force est de considérer que c’est bien le rôle d’une fédération de donner sa chance à un fort potentiel de s’exprimer en course, de croire en ses athlètes montants et de leur préparer un cadre pour s’épanouir et progresser entourés d’athlètes expérimentés !
Oui, évidemment. Emilie Morier avait sans doute, à ce titre, parfaitement sa place dans la sélection, à condition, de préparer le terrain, grâce à une communication mûrie.
3/ La communication de la FFTri : la grande nébuleuse
La récente décision du comité olympique d’inscrire le mixed relais aux prochains JO a dessiné un nouvel enjeu mondial.
Il est donc évident que chaque nation réfléchit à la meilleure stratégie, combinaison d’athlètes, définition et spécialisation de nouveaux profils à mettre en place pour décrocher le titre suprême à Tokyo.
Pour cela, il faut tester de nouveaux modèles. Dans le monde de l’entreprise, on parlerait de “lean management” (Eric Ries). On avance et réajuste la stratégie au mieux de l’objectif.
Dans ce contexte, inclure de nouveaux athlètes débutants à ce niveau de compétition peut parfaitement se justifier, à condition que la stratégie ait été énoncée comme telle, afin de protéger ces nouveaux athlètes d’un résultat qui pourrait paraître décevant hors de cette stratégie globale et à long terme.
Nous avions interrogé Benjamin Maze sur la stratégie de l’équipe de France pour le mixed relais il y a deux semaines. Il n’a pas souhaité nous répondre spécifiquement, nous informant qu’un communiqué FFTri allait être diffusé.
Nous n’avons évidemment pas manqué de nous pencher sur ce communiqué, sorti le 14 juillet, qui nous a pour le moins laissées interrogatives…
“ Ce ne sont pas les meilleurs garçons de la course individuelle qui prendront le départ du relais, mais le choix sera orienté selon plusieurs indicateurs. ” énonce Stéphanie Deanaz, entraineur national.
Pour rappel, deux jours plus tard, ce seront les deux meilleurs garçons de l’épreuve individuelle qui seront sélectionnés. Cassandre chutant à vélo, sera remplacée, au pied levé par Jeanne Lehair, médaillée de cette épreuve en 2015.
Là encore, notre principal regret quant à la communication de la FFTri se porte vers l’athlète Emilie Morier qui essuie les plâtres d’une communication mal préparée, puisqu’elle n’est pas perçue comme une jeune pousse à encourager mais une pure erreur de sélection.
La FFTri ne sort pas gagnante non plus, puisqu’aux yeux du plus grand nombre, elle a soit fait une mauvaise sélection, soit prouvé son incapacité à décider d’une stratégie modifiant du tout au tout la sélection annoncée deux jours auparavant.
La communauté des triathlètes n’y gagne pas non plus : car le manque de communication crée le malentendu et encourage la critique pure et dure… Toujours au détriment de l’athlète finalement, qui déjà meurtrie par sa non performance, voit sa déception décuplée en raison de celle qu’elle a créée auprès du public.
Conclusion
Alors que souhaiter à Emilie ? De réussir à se détacher du chant des sirènes d’un entraineur/sélectionneur national pour être en phase avec sa conscience, de suivre son instinct en osant aller là où ne sont pas les autres, et de croire en elle envers et contre tous : entraineur, sélectionneur, public et même journalistes Trimes 🙂 car « en fait les jours de doute, ça donne des jours de lutte, des réveils, des coups de poings, des envies d’uppercuts ».