Les pneus demeurent un élément impossible à négliger. Avant l’aéro, si l’athlète néglige le rendement, tous ses efforts seront vains. L’année dernière Michelin a lancé sa gamme Power, soit une offre additionnelle au Pro Race 3. Avec cette nouvelle offre, à en croire les derniers tests, la compagnie française a su redevenir la référence actuelle en termes de performance. Trimes en a profité pour interroger l’un de ses développeurs pour comprendre les attributs qui rendent un pneu performant.
Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel?
J’ai rejoint Michelin en novembre 2000, après des études en mécanique et une spécialisation en véhicule de compétition. Passionné de moto et de vélo, Michelin s’est vite imposé comme une évidence afin d’assouvir ma passion du deux roues et de la compétition.
J’ai commencé ma carrière chez Michelin par la conception des pneus scooter puis j’ai travaillé au développement des gammes moto hyper sport. C’est assez naturellement que j’ai intégré le département Motorsport en 2010 pour le développement des pneus moto.
Depuis 2016, je suis en charge du développement des gammes de pneus pour vélo de route.
Explique-nous, quels étaient les intentions en créant la gamme Power?
L’objectif principal de la gamme MICHELIN Power était de proposer sur le marché des pneus vélo Route avec une bonne performance produit en accord avec les usages. Le pneu MICHELIN Power Compétition apporte un maximum de rendement pour être le plus rapide, le pneu MICHELIN Power Endurance procure une meilleure longévité pour s’entraîner et le pneu MICHELIN Power All Season offre un maximum de grip quelles que soient les conditions.
Et selon les premières études, le Power Compétition semble se placer dans le trio tête au point de vue du rendement. Sans dévoiler des secrets industriels, alors quels sont les éléments sur lesquels vous êtes intervenu pour obtenir ce résultat?
Le pneu MICHELIN Power Compétition bénéficie avant tout de notre savoir-faire sur les matériaux, notamment pour les mélanges de gommes de la bande de roulement. L’utilisation de l’aramide en nappe de renfort nous permet d’optimiser et de maîtriser la géométrie du pneu.
J’imagine que dans le processus de création d’un nouveau pneu, c’est une sorte de processus d’essais erreur afin de trouver la bonne combinaison… parle nous des différentes phases de développement?
Michelin consacre chaque année plus de 700 millions d’euros à la Recherche et au Développement. L’innovation est essentielle pour notre Groupe. Au Centre de Technologie, plus de 350 métiers y sont exercés. Cinq grandes étapes caractérisent la conception d’un pneu Vélo chez Michelin : le cahier des charges, la conception et la modélisation des pneus, les tests, l’industrialisation puis la fabrication en série.
On voulait savoir, en termes de gomme et en pensant à la formule 1, est-ce qu’un pneu peut perdre son efficacité à certaines températures? Et donc, est-ce que d’autres modèles pourraient s’avérer plus performants à des températures plus basses.
Il existe deux impacts température. La température de fonctionnement du pneu et la température au sol.
Pour les températures de fonctionnement du pneu vélo, les efforts générés par un vélo sont très faibles par rapport à ceux rencontrés par exemple en MotoGP. On estime la température de fonctionnement d’un pneu vélo identique à la température de l’air ambiant alors qu’en MotoGP, on va dépasser les 100°C.
Là où il y a un impact fort, c’est la température au sol. La composition de la gomme va réagir différemment selon ses caractéristiques à la température du sol. C’est le même principe qu’un chewing-gum. Si vous le mettez au congélateur, il devient dur comme de la pierre et n’offrira plus d’adhérence. Il va même se casser. Pour les pneus c’est pareil ! Pour des températures plus froides, il est conseillé d’utiliser des pneus avec des gommes spécifiques, comme celles du pneu MICHELIN Power All Season.
Mais, est-ce qu’il y a un transfert de savoir avec des pneus de course pour automobile, ou les problématiques n’ont rien à voir?
On est naturellement plus proche des pneus motos, car notre pneu vélo fonctionne en carrossage comme un pneu moto.
Il faut toutefois savoir que le Centre de Technologie Michelin met, en permanence, à disposition des concepteurs et des ingénieurs, toutes ses connaissances afin de résoudre les problématiques spécifiques aux besoins de nos clients. Toutes les technologies apprises dans une autre activité, comme le poids lourd, l’avion, etc. bénéficient au vélo. Le processus est aussi le même pour la compétition.
Dans cette éternelle recherche à l’efficacité, il y aussi le risque qu’un pneu n’offre pas assez de protection? Comment déterminez-vous qu’elle est suffisante?
Il est important d’apporter le maximum de performances tout en respectant les règles de sécurité pour nos utilisateurs.
Pour la gamme MICHELIN Power, la volonté de Michelin a donc été de proposer la gamme la plus simple possible sans toutefois céder au choix simpliste de la polyvalence à outrance. Au contraire, en fonction de l’usage auquel il est destiné, chaque pneu de la nouvelle gamme MICHELIN Power offre plus de performances.
Est-ce que le rendement d’un pneu garanti l’accroche dans les virages?
Et non! Il s’agit là de 2 performances bien distinctes.
Et il y a aussi l’aspect de la forme et donc de l’aéro, est-ce aussi un aspect que vous étudiez durant la conception?
L’aérodynamisme dépend de l’accord roue + pneu. Il est difficile de faire un pneu qui réponde à tous types de roues. C’est pourquoi nous testons tous nos pneus sur les principales roues du marché. L’aérodynamisme a un impact sur la résistance à l’avancement. Nous travaillons, donc, en parallèle sur le rendement afin de garantir, quelle que soit la roue, que le pneu ait un bon niveau de résistance au roulement.
Alors, est-ce qu’il faut porter attention à la déformation?
Tout à fait. La déformation du pneu a une influence sur l’adhérence, mais également sur le rendement, le confort et la rigidité. C’est pour cela qu’il faut rouler à la bonne pression en fonction de sa corpulence.
On voit de plus en plus les équipes du world tour utiliser des pneus de plus en plus larges, alors quels sont tes conseils pour choisir la largeur de ses pneus.
Pour nous, actuellement, la meilleure solution est une section de 25-622. Le fait d’augmenter en section permet de réduire la résistance au roulement et de diminuer la pression de gonflage, pour apporter plus de confort.
Mais le gain en efficacité est possible uniquement si les pneus ne sont pas trop gonflés, non? D’ailleurs, est-ce que l’on peut trop gonfler ses pneus?
Le rendement dépend de la déformation et donc de la pression de gonflage. Plus le pneu est gonflé, plus le rendement est bon, mais l’adhérence et le confort diminuent. Il faut trouver le bon équilibre. La pression maximale de gonflage est toujours indiquée sur le flanc du pneu. Elle doit être respectée. Elle est en général de 8 bars maximum.
La question est classique, même selon toi, le pneu est-il réellement plus rapide que le boyau?
Oui, sans hésitation ! Avec les technologies actuelles, le pneu a désormais un net avantage sur le boyau. Tous les tests machines et sur terrain le démontrent. Et le pneu a encore une belle marge de progression !
Pourquoi Michelin ne propose toujours pas de tubeless pour la route?
Nous y travaillons et devrions proposer un produit dans quelques temps.
Est-ce que vous recommandez l’ajout de préventif ou cela à un trop grand impact sur la performance?
Oui, nous préconisons l’emploi de préventif lors de l’utilisation d’un pneu Tubeless Ready. Cela permet d’avoir une étanchéité parfaite et surtout une résistance à la crevaison accrue. De plus, son impact sur la performance « rendement » est négligeable.
Tes conseils/recommandations pour le choix de leurs pneus?
Pour le triathlon, je préconiserai le pneu MICHELIN Power Compétition en 25-622 avant et arrière avec une pression d’utilisation entre 7 et 8 bars plus une chambre à air MICHELIN Air Comp, pour un gain en résistance au roulement.