Par Daphné de Guembecker
Stéphane Palazzetti se fait trimer > Le coach de l’ombre, spécialiste de l’accompagnement scientifique à la performance sportive, verra 5 de ses athlètes cette année courir à Hawaii. (Alain BOUTEAU, Franck HERBILLON, Anthony PHILIPPE, Stéphane REYES, Yann ROCHETEAU)
Entraîner les athlètes « à distance », sans jamais les avoir rencontrés pour la plupart, c’est possible avec une bonne dose de confiance et un suivi individualisé à l’interface entre le monde scientifique et sportif. Plus qu’un plan d’entraînement c’est une philosophie !
Depuis combien de temps es tu coach et comment cela a t il commencé?
J’ai débuté le suivi d’athlètes en septembre 2005 après avoir ponctué un cursus universitaire de 3ème cycle en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives (STAPS), mention « Sciences du Mouvement Humain » et spécialisé en physiologie de l’exercice musculaire et en nutrition sportive. Qualifié aux fonctions de Maître de Conférences, et non recruté, j’ai décidé de créer ma propre structure en utilisant une méthodologie et une philosophie de la performance sportive basées sur la confiance, l’échange, la réflexion, l’optimisation et l’individualisation. L’accompagnement scientifique à la performance sportive dicte mon quotidien.
Quel est ton parcours sportif?
Après avoir pratiqué le hockey sur glace de l’âge de 6 ans à 20 ans jusqu’à atteindre un niveau semi-professionnel, je me suis orienté vers les pratiques d’endurance qui jalonnaient ma pratique estivale. J’ai donc débuté le triathlon en 1997 et cela jusqu’en 2006. J’ai participé à une dizaine de triathlon distance IM dont 4 fois l’Embrunman, l’IM de Lanzarote, l’IM de Roth, 3 fois l’IM de France (Gerardmer, Nice) et l’IM d’Hawaii en 2003. Aujourd’hui, je pratique davantage les activités outdoor (trail, alpirunning, alpinisme, VTT, ski de randonnée, ski de fond…) mais dans un contexte non compétitif.
Science et Sport sont forcément liés pour être un « bon » coach?
Pour ma part, je pense que c’est fondamental. Outre la notion de science, je dirai que c’est davantage la multidisciplinarité des sciences qui doit être mis en avant. Comprendre un « individu en action » nécessite des bases « solides » en physiologie, biomécanique, biologie, psychologie, neurosciences, histoire, sociologie.
Choisis tu les athlètes avec qui tu travailles ? Y a t il une « pré sélection »?
Oui, je sélectionne les athlètes que j’accompagne en fonction de leur projet, de la cohérence de ce dernier au regard du contexte familial et professionnel. L’harmonisation entre les différentes vies (sociale, familiale, professionnelle et sportive) est déterminante. Une relation de confiance doit s’instaurer. Cela peut prendre du temps. Il faut apprendre à se connaître et à harmoniser les attentes de chacun.
Quelles difficultés as tu rencontré en tant que coach?
Je n’ai pas véritablement rencontré de difficultés. J’ai développé une approche personnelle dont l’individualisation est fondamentale. Chaque athlète est « unique » de part sa génétique, sa construction athlétique, ses aspirations, ses contraintes, son contexte de vie… Tout cela est très passionnant et mon rôle est de proposer un suivi, à distance, dans la recherche de performance individuelle.
Est il plus dur de travailler le corps ou de travailler le mental?
Pour ma part, les 2 sont intimement liés et l’un participe au développement de l’autre et inversement. Pour cela, il est important d’avoir des outils de mesures à la fois objectifs et subjectifs, d’être à l’écoute et d’analyser finement les éléments dont on peut disposer.
Combien de temps faut il pour commencer à voir les résultats du coaching?
Pour obtenir des résultats, il faut avoir une approche constructive sur le long terme. Pour ma part, je pense qu’un délai de 2 ans est un minimum requis et particulièrement dans les pratiques d’endurance de longue durée aux paramètres de la performance multifactoriels.
Quelles sont les qualités d’un « bon » coach?
Je me définirais davantage comme un « accompagnant à la performance sportive » plus que comme un coach qui est, pour ma part, un terme un peu réducteur. Les qualités à avoir sont l’expertise, l’écoute, l’adaptabilité, le recul, l’humilité et l’objectivité.
Et celles d’un « bon » triathlète?
L’entraînabilité, la rigueur, l’écoute, la constance, la persévérance et la confiance objective.
Comment t’adaptes tu à chaque profil de triathlète? Leur ressenti, leur caractère, leur vocabulaire, leur manière de décrire l’effort, la douleur, la course…?
J’ai des outils de mesure à la fois objectifs et subjectifs qui me permettent d’ajuster les directives, mon discours. Malgré le fait que je ne sois jamais en contact direct avec les athlètes, la notion d’interaction est fondamentale. Aujourd’hui, la technologie (plates formes, moyens de communication…) permet cette interface. L’ajustement de directives au regard d’un contexte particulier (climatique, professionnel, personnel, de santé) est fondamentale.
Comment suis tu l’évolution de la résistance à l’effort, à la fatigue?
La notion d’analyse des données est un élément déterminant. Brièvement je tiens compte d’informations relatives au sommeil (qualitatif, quantitatif), à l’équilibre de la balance énergétique, à la perception de l’intensité de la contrainte imposée, à la notion de plaisir, de confiance que peut provoquer une session d’entraînement, aux données de puissance développée, d’allure de course, de nage, de facteurs dynamiques de la performance et d’indicateurs psycho-fonctionnel. C’est donc une globalité d’éléments en interaction.
Aujourd’hui il y a de plus en plus d’outils pour suivre les différents paramètres lors des entraînements ou pour planifier les séances. Qu’est ce que le coach peut encore apporter à l’athlète?
Pour ma part, je n’utilise pas de logiciel pour structurer le contenu de mes séances. L’analyse de ces derniers est réalisée à partir de différents outils que j’ai pu développer ou utiliser durant mes travaux universitaires qui peuvent être des logiciels mais pas uniquement. Le retour objectif du travail réalisé, et la mise en adéquation avec le travail planifié initialement, la mise en garde par rapport à des alarmes spécifiques identifiées dans le but de réduire le risque de blessure, de maladie, de surentraînement… sont des paramètres incontournables et que seul l’accompagnant, pour l’heure, peut transmettre. La relation de confiance accompagnant-athlète et athlète-accompagnant est l’une des clés de la réussite.
Comment a évolué le coaching en triathlon depuis que tu as débuté?
J’ai une approche particulière et qui ne peut s’adapter qu’à une certaine population d’athlètes dont l’autonomie est un élément marquant. En effet, il y a plus de 95% des athlètes, que j’ai accompagné ou que j’accompagne, en France et dans le Monde, que je n’ai jamais rencontré. Cela n’est absolument pas un facteur limitant dans l’atteinte de leur objectif. C’est mon mode de fonctionnement qui est, au regard de ce que je peux observer, très différent de mes « concurrents ». La fidélisation de ma population d’athlètes au fil des années est un élément qui me conforte dans cette approche et qui participe à mon épanouissement professionnel. Mon implication dans le suivi d’athlètes, du niveau amateur à professionnel, est quotidienne et pratiquement durant 365 jours par an. Organiser des stages, me rendre sur des compétitions au regard de mon approche du suivi est très difficile. La demande dans ce sens est présente mais pour le moment je n’ai pas trouvé la solution, les journées ne faisant que 24h00…
Ton meilleur et ton pire souvenir de coaching?
Plusieurs images positives : Romain GUILLAUME en tête sur l’IM d’Hawaii en 2012, Hervé BANTI aux JO de Londres en 2012, Hervé FAURE battant le record de l’Embrunman en 2011, Tom LECOMTE, un premier podium sur format IM 70.3 pour sa première participation sur ce format en catégorie MPRO cette saison, Anthony PHILIPPE sur le podium GA (2nd M40-44) à Hawaii en 2010, Romain GUILLAUME remportant son premier IM à Mont Tremblant en 2012, François BRAUD multiple médaillé aux Championnats du Monde de Combiné Nordique en 2015… Voilà quelques éléments marquants pour l’heure actuelle. Je n’ai pas spécialement d’images négatives à relater, si ce n’est que les fins de cycles, de projet, sont toujours des moments difficiles à vivre. Le départ de Romain GUILLAUME après 8 ans d’accompagnement et l’atteinte de la quasi-totalité de ces objectifs de carrière définis (outre un TOP10 à Hawaii à ce moment là) n’aura pas été un moment des plus réjouissants à vivre.
Sans les citer (ils se reconnaîtront…) peux tu donner 1 conseil aux 5 triathlètes à Hawaii cette année?
Cette année, il y aura 2 « débutants » et 3 « confirmés ». Pour les « débutants », il faudra rester dans sa bulle, être focus sur les intensités et ne pas être déstabilisé par la concurrence. Pour les « confirmés », la recherche de performance dans leur GA respectif est clairement l’objectif affiché. La patience, la concentration et la chance dicteront leur journée du 14 octobre 2017.
Un pro que tu aimerais coacher (ou qui aurait besoin d’aide !)
Je n’ai pas spécialement d’athlète élite en visu. Aujourd’hui, j’accompagne le projet de carrière de Tom LECOMTE. Pour le moment, la construction et les orientations prises sont sur la bonne voie. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir mais Tom a toutes les qualités pour mener à bien son projet.
Quelque chose que tes athlètes ne savent pas à propos de toi?
J’ai de plus en plus de cheveux blancs J
Quand est-ce que tu viens à Hawaii?!
J’y reviendrai lorsque 10 athlètes du « TEAM » seront qualifiés la même année. Le record pour l’heure est de 8. Faites vos jeux 😉
Palazzetti – Consulting : http://spalazzetticonsulting.com/