Au menu d’aujourd’hui, Trimes vous propose de méditer sur le rôle d’une alimentation basse en glucides dans l’optique d’efforts d’endurance.
Ce sujet est très bien introduit dans le dérangeant livre « The art and science of low carbohydrate performance » de Jeff S. Volek et Stephen D. Phinney qui avait remis en question l’importance des glucides à l’entraînement. Il expliquait aux athlètes comment tirer parti d’un régime bas en glucides (low-carbohydrate diet en anglais). D’après eux, le corps des athlètes privilégiant trop les glucides ne sait pas utiliser efficacement les lipides le jour d’une épreuve d’endurance. Mais cela peut se changer en mangeant extrêmement peu de glucides ; le corps s’adapte alors et apprend à utiliser les lipides à la place des glucides ; ces lipides sont dégradés en corps cétoniques qui sont eux-mêmes utilisés par les cellules comme énergie ; c’est cette adaptation qu’ils appellent la keto-adaptation. Ce régime pauvre en glucides menant à cette adaptation est aussi connu sous le nom de diète cétogène, de Banting, Low Carb High Fat (LCHF), Atkins… et sa mise-en-œuvre dans la vie de tous les jours est loin d’être facile comme en témoigne l’excellent livre Zéro Sucre.
Pour investiguer un cran plus loin, Volek et Phinney ont mené une minutieuse étude (en libre accès) au cours de laquelle ils ont comparé les réponses physiologiques de 2 groupes d’athlètes (les uns ayant suivi un régime low carb, les autres un régime riche en glucides) alors qu’ils couraient sur tapis roulant. Voici un résumé de l’étude :
20 coureurs élites ont servi de « cobaye » (16 coureurs experts en 80km et 160km et 4 triathlètes experts en ironman) répartis en 2 groupes :
- Ceux ayant suivi une diète riche-en-glucides (486g/jour). Les proportions de leur alimentation en glucides:protéines:lipides étaient de 59%:14%:25%.
- Ceux ayant suivi une diète pauvre-en-glucides (82g/jour) pendant une moyenne de 20 mois et ce jusqu’au test (donc Malto strictement interdit ;-). Les proportions de leur alimentation en glucides:protéines:lipides étaient de 10%:19%:70%.
Deux tests ont été réalisés. Le premier test a été réalisé sur une évaluation de la VO2max. Les résultats suivants ont été constatés :
- Le pic de l’utilisation (i.e. oxydation) du gras était 2,3 fois plus grand pour les athlètes du groupe pauvre-en-glucides que ceux du groupe riche-en-glucides.
- Ce pic d’utilisation du gras arrivait à une VO2max d’environ 70% pour les athlètes du groupe pauvre-en-glucides contre 55% pour les riches-en-glucides
Ensuite, le lendemain, un deuxième test a fait courir les athlètes pendant 3 heures à 64% de leur VO2max. Les résultats ont été les suivants :
- L’utilisation moyenne du gras était 59% plus grande pour les athlètes du groupe pauvre-en-glucides que ceux du groupe riche-en-glucides, soit une contribution relative de 88% des lipides contre 56%.
- La déperdition de glycogène au bout des 3h puis la re-synthèse après collation étaient sensiblement la même pour les deux groupes.
Contrairement au livre cité en introduction, l’étude estime que l’adaptation cétonique peut nécessiter, non pas 40 jours, mais plusieurs mois ; elle indique aussi que sur les mois d’observations, les athlètes du groupe low carb ont mangé en moyenne 82g/jour de glucides, avec un max à 144g/jour (ce qui est plus que les 50g/jour recommandés dans le livre, mais ce qui reste quand même très peu)
Au delà de ces résultats, l’étude est aussi très intéressante à lire pour une multitude d’infos telles que le matériel utilisé, la composition des boissons de pré-effort et post-effort, le poids des coureurs, etc.
La seule chose qui manque, et c’est un challenge de taille, c’est une comparaison des performances obtenues selon chaque régime ; et ce idéalement sur des durées d’effort plus longues car les 3 premières heures en ultra ou en triathlon moyenne et longue distance sont celles où le corps répond encore généralement très bien. On attend donc avec impatience la prochaine étude.
PS : d’autres articles de Trimes avaient déjà évoqué ce sujet low-carb avec les précautions qui s’imposent (ex: Ironman d’Hawaï et phase précompétitive – les protocoles à suivre et S’entraîner pour un ironman en suivant une diète basse en glucides, est-ce possible ?). Même chose pour l’article ici présent … On ne saurait que rappeler l’histoire (fictive ?) de Bouddha qui avait voulu radicalement remplacer sa période « d’excès » par un jeûne extrême et qui avait failli y passer. Il en avait conclu que l’option la plus raisonnable était finalement la voie du milieu.