Il y a une dizaine de jours, alors que personne ne s’y attendait, Andrew Messick a annoncé l’arrêt du processus de qualification par point (KPR) pour les championnats du monde Ironman (Kona) et 70.3.
Le premier point, et on en parlera prochainement, c’est la grande indifférence face à cette annonce. Après analyse, elle illustre à nouveau un sport qui n’a plus de ligne directrice dans son développement et tout cela n’interpelle plus personne. Les médias voient cela comme un détail alors que les conséquences pourraient être majeures. On s’explique.
Il y a environ 5 ans, si Ironman était déjà le circuit dominant, face à une certaine dissidence de certains pros réclamant de meilleures bourses et plus de considération, les organisateurs de Challenge Roth y ont vu une faille exploitable afin de développer mondiale le circuit Challenge. Il ne faut pas oublier une autre initiative, soit Rev3 qui espérait révolutionner le sport en organisant des courses dans des parcs d’attractions et en offrant de bourses plus généreuses pour les pros.
Si certains athlètes ont osé exprimer leurs souhaits d’aller voir ailleurs, ils ont rapidement été muselés. Afin de se qualifier pour Kona, il fallait obligatoirement participer à plusieurs courses ironman afin de récolter assez de points et s’assurer une place…
Sachant que pour les amateurs et l’industrie, Kona est le seul événement qui semble compter, les pros n’ont pas eu d’autres choix de revenir au bercail. Rapidement, les courses dites indépendantes (hors Ironman) ont toujours eu des airs d’exhibitions…
Ce système à rapidement muté la dissidence, même si Ironman a toujours refusé d’offrir le même nombre de spots pour les pros féminin que masculin ( environ 30 VS 50 + invitations), la révolte s’est uniquement manifestée sur Twitter. Les différentes initiatives de syndicalisations des pros n’ont jamais fonctionné.
Au final, si Ironman a paru si maléfique, ses initiatives ont réussi à fidéliser les pros sans donner plus d’argent. De plus, ses mesures voulaient décourager le nombre de pros sur le circuit, son souhait s’est aussi réalisé…
Au fil des ans, Ironman a peaufiné sa recette en modifiant le nombre de courses minimales, ou en offrant des spots automatiques pour les anciens gagnants ou ceux des championnats régionaux.
Malgré tout, rares sont les courses avec de réelles confrontations. On n’a jamais su si le souhait de la WTC (Ironman) était justement de maintenir le monopole de Kona…
Mais soyons francs, ce système générait des histoires avec ses drames. Des athlètes comme le double champion du monde de 70.3 comme Michael Raelert n’a jamais réussi à se qualifier malgré son immense talent. Il y a toujours cette trame dramatique qui permet à certains de suivre l’actu pro à longueur d’année.
Maintenant, il faut oublier le passé, ou presque, Ironman fait table rase et désormais les pros se qualifieront de la même manière que les amateurs. En gagnant leurs spots. Si les détails se font attendre.
Comme précédemment, les anciens champions gardent leurs privilèges de qualifications presque automatiques pour 5 ans. Il suffit pour eux de terminer un Ironman ou 70.3 en fonction de la distance du Championnat du monde.
Pour les autres… La WTC s’est contentée de dire qu’il y aurait au minimum un spot qualificatif par course pro et que plusieurs spots seront offerts sur les courses pros. 50 spots pour les hommes et 50 autres pour les femmes.
Si l’on se base sur la saison 2017-2018, 37 courses offraient des bourses pros. Si l’on fait le calcul, cela voudrait dire qu’à plusieurs occasions, seul le vainqueur partira avec sa qualification. On est très loin des conditions avant le KPR (classement par point). À cette époque, la densité était beaucoup plus faible et il y avait beaucoup moins de pros.
Mais la grande question reste, pourquoi Ironman fait ce changement?
Face à l’actualité, cela n’est probablement pas pour l’amour du sport, mais plus pour une question de rentabilité. Cette formule pourrait garder ce fameux attachement avec les pros tout en offrant moins de bourses au pro. Cela est une possibilité…
Cela devient aussi un outil pour Ironman pour dire qu’elles sont les courses importantes. Il y aura celle avec des plateaux pros ou pas.
Du côté des pros, la planification de sa saison sera exposée à de nombreuses circonstances. Il faudra constamment calculer avec qui sera la pour obtenir son spot. On peut aussi s’attendre à de nombreux abandons durant les courses dès lors qu’un athlète se considère plus en position pour obtenir son spot.
Malheureusement, si cela va renforcer Kona, le reste du circuit est probablement affaibli. Pour l’industrie, elle va voudra probablement investir uniquement sur les athlètes qui ont déjà leur qualification en poche.
Autre phénomène possible, dès lors qu’un athlète est qualifié, il est fort possible qu’on ne le voie plus pour le reste de la saison. À part des athlètes comme Lionel Sanders qui aligne les victoires et donc les bourses, pour les autres, participer à une course aura une saveur de quitte ou double. Dans les faits, il sera encore plus dur de vivre de son sport…
Pour le moment, les scénarios possibles nous apparaissent plutôt gris, mais il est possible de voir de la couleur ailleurs. Justement, les athlètes regagnent en quelque sorte leurs autonomies et pourraient plus facilement profiter du système pour aller voir ailleurs. Les courses indépendantes et mythiques pourraient à nouveau attirer des vedettes.
On peut aussi voir comme scénario une athlète comme Flora Duffy qui pourrait plus facilement se qualifier pour les championnats du monde de 70.3 et même Kona dès cette année. N’oublions pas qu’une Nicola Spirig a déjà gagné un ironman et par ce fait, aurait pu courir Kona en fait de saison. Brett Sutton, son entraineur a fait de nombreuses menaces pour qu’elle face le doublé Rio et Kona en 2016. Refusant de faire des courses Ironman pour se qualifier, la WTC n’a jamais flanché et a refusé de l’inviter.
Dans la rare défense d’Ironman, elle dit que ce nouveau système permet à l’athlète d’avoir des saisons moins demandâtes. C’est un fait.
Bon, pour conclusion, soyons pragmatiques. Dans les faits, Ironman est dans la raison. Elle sait que l’intérêt des amateurs pour les pros est marginal et qu’ils sont une influence limitée sur la popularité du sport. Les amateurs sont plus à la recherche de conseils…
Si vous nous le demandez ou pas, on vous dira que cette initiative est à l’image du développement du triathlon dans la dernière décennie, ce fameux manque de dynamisme ou tout le monde essaye de vendre sa salade sans passion…