L’épatante 5ème place de Manon Genêt ce 15 avril au championnat continental Afrique du Sud est l’occasion de faire le point sur sa belle aventure chez les pros.
Tout d’abord, peux-tu nous raconter un peu l’Ironman Malaisie où tu étais monté sur le podium en Novembre dernier ? Comment tu trouves cette épreuve de manière générale, la recommanderais-tu et surtout comment s’est passée la course pour toi ?
Partir courir l’IM de Malaisie était un choix par défaut après mon abandon sur l’IM de Barcelone à cause d’un souci mécanique. Mais ce choix s’est révélé être le bon. Courir à l’étranger c’est aussi l’occasion de voyager, de découvrir un pays et une culture. L’île de Langkawi est une superbe destination en plus d’être très accueillante. La vie est très peu coûteuse pour nous occidentaux et donc assez facile. Il n’y a aucune insécurité que ce soit en ville ou sur les routes et les athlètes sont très bien accueillis. En ce qui concerne la course, 2017 fut possiblement la dernière édition car le nombre de coureurs n’était pas assez important pour maintenir l’évènement. Je suis heureuse de voir que l’édition 2018 est maintenue parce que cette course est magique ! Bien sûr les conditions de course sont éprouvantes (40°C en température ressentie et 90% d’humidité) mais le parcours, les paysages, l’organisation de course et l’ambiance sur l’évènement en valent vraiment la peine. Mes conseils : attention aux plats épicés ! Préférez la location d’un scooter pour vous déplacer.
Quand j’ai pris la décision de courir là bas mon entraîneur a programmé les entraînements pour simuler au maximum les conditions de course. Je me suis retrouvée de nombreuses fois sur mon HT dans la salle de bain avec chauffage et décolleuse à tapisserie pour simuler l’humidité ! Je suis arrivée sur place 7 jours avant, laps de temps juste suffisant pour me remettre du décalage horaire et m’habituer à la chaleur. Cette préparation en amont a porté ses fruits puisque je termine 3ème féminine et monte ainsi sur mon premier podium IM. J’ai réalisé une course mesurée mais pleine, j’ai su mettre en oeuvre tout ce que j’avais appris au cours de cette première année de triathlon professionnel et surtout, ce podium m’a officiellement lancée sur la route pour Kona !
As-tu profité de l’hiver pour faire d’autres sports que natation, vélo, course-à-pied ou t’es tu consacrée entièrement au triathlon ?
J’ai un très court passif en triathlon. J’ai goûté au triple effort en 2009 à La Rochelle et j’ai commencé à réellement pratiquer fin 2013 à Toulouse en parallèle de mon entrée dans la vie active. Les bases de ma pratique sont donc en pleine construction et j’ai beaucoup de travail dans chacune des 3 disciplines pour m’aligner au niveau de celles qui en font depuis toujours. L’hiver est donc dédié à la construction de ces bases, avec du travail de vitesse en course à pied, de puissance à vélo et de technique en natation. Mon entraîneur ajoute à cela un gros cycle de musculation que je suis contente de commencer mais aussi contente de finir !
Et venons-en à cet IM Afrique du Sud ? Peux-tu nous le présenter ?
L’IM South Africa fait partie des championnats continentaux. Pour un triathlète pro l’intérêt est que les points au KPR comptent double (4000 au vainqueur contre 2000 sur un autre IM). Dans mon cas, la 5ème place me rapporte plus de points qu’une victoire sur un IM classique. Mais qui dit plus de points dit plus de prize money et donc plus de densité et plus de niveau ! Tant parmi les pros hommes que femmes on retrouve du top 10 mondial et le niveau de la course devient tout de suite très élevé. Ce constat est assez vrai du côté amateur aussi puisqu’il y a davantage de slots pour Hawaii. Avec l’absence de décalage horaire et le climat assez équivalent à un printemps chaud, cet IM est une destination très prisée des Européens.
Et qu’en est-il de la sécurité ? (on se souvient de l’agression de Frederik Van Lierde en 2017)
J’entends régulièrement parler de problèmes d’insécurité et c’est effectivement un sujet à connaître car… « it is South Africa here » comme les Sudafs l’expliquent. Mais comme dans tout pays il faut se renseigner sur la façon dont il fonctionne et avec un peu de bon sens, il n’y a pas de raison d’avoir un problème. Vous serez même surpris par leur accueil si chaleureux et par l’ambiance complètement dingue de cette course !
Aurais-tu des conseils pour des triathlètes qui iraient participer à cet IM ?
Mes conseils : la météo est assez changeante à cette époque de l’année, prévoyez d’avoir chaud autant que d’avoir froid. Préférez un logement dans le quartier de Summerstrand et réservez le TRES en avance !
Comment s’est passée la course pour toi ?
Cette année il y a eu plus de houle, plus de vent mais on a échappé aux 35°C de l’année dernière. En ce qui me concerne j’ai réalisé probablement l’une de mes pires natation mais mes efforts à vélo m’ont permis de renouer avec les favorites après 90km. Les conditions à vélo étaient un peu plus difficiles que la saison dernière, car pour vous donner une indication je fais plus de watts que l’année dernière pour une vitesse moyenne équivalente. Je pose le vélo en 5ème position (après l’avoir pris 14ème..) et conserve ma place sur le marathon que je boucle en 3h11. Je réalise mon meilleur chrono – 9h21’59 – et m’offre de nouveaux précieux points pour la qualification à Hawaii !
Après ces 2 résultats IM Malaisie et IM championnat continental en Afrique du sud, quel est ton constat ?
Aujourd’hui cela fait 1 an et 3 mois que je me consacre uniquement au triathlon. J’ai appris et j’apprends encore énormément de choses sur ce sport, sur l’entraînement, sur la gestion d’une carrière professionnelle et aussi sur moi, mes capacités, mes limites actuelles et ce dont j’ai besoin pour progresser et performer. Faire de son corps et de son esprit ses outils de travail est un long apprentissage ! Il faut analyser en permanence et savoir se remettre en question. C’est un travail que l’on fait à 2, avec mon entraineur et petit-ami, Frédéric Lureau. Mes résultats en Malaisie et Afrique du Sud ont confirmé que les efforts réalisés portent leurs fruits et que nous sommes sur la bonne voie. Mais il reste encore beaucoup de travail pour devenir encore plus compétitive !
Il est difficile de comparer d’une course sur l’autre, mais tu réalisé 1/2h de mieux sur l’IM. Comment expliques-tu cette superbe progression ? As-tu changé des choses dans ta manière de t’entrainer ?
A la vue de mes résultats :
- 10h39 sur mon premier IM à Nice en 2014.
- 12h01 sur le deuxième à Hawaii en 2014.
- 10h49 sur le troisième à Mallorque en 2015.
- 9h50 sur le quatrième en Afrique du Sud en 2017 pour mes débuts en pro.
- 9h36 sur le cinquième en Malaisie en 2017.
- 9h21 sur le sixième en Afrique du Sud 2018.
je ne vois pas de superbe progression mais plutôt une amélioration constante et surtout plus pérenne depuis que je me consacre pleinement au triathlon. Dernièrement quelqu’un m’a écrit « petit à petit, l’oiseau fait son nid ».
Mes entraînements évoluent de la même manière, je fais beaucoup d’intensité et j’augmente petit à petit le volume en cumulant en moyenne 25h d’entraînement par semaine en hiver (4 entraînements de chaque discipline + 2 séances de muscu). Pendant la période compétitive mes entraînements sont scindés par bloc; par exemple 3 jours à haute intensité suivi d’1 jour de récupération active et 1 jour de repos. De mon point de vue ce qui a réellement changé c’est ma capacité à encaisser les entraînements et donc logiquement l’intensité et le volume augmentent avec.
Le prochain objectif phare est Kona 2017 ?
Kona 2018 est l’objectif principal de ma saison. J’ai fait 70% du chemin avec 2 courses et il me reste 4 mois pour aller chercher les points manquants. Il faudra être stratégique et efficace pour espérer m’y qualifier tout en gardant la fraîcheur nécessaire pour être compétitive sur l’évènement.
Tu es désormais 20ème au KPR 2018 avec 3370 points. Avec 3910 points au KPR 2017 Jeanne Collonge était passé de justesse. Du coup, quelle est ta stratégie pour la suite de l’année ?
Il me reste 1 carte à jouer pour définir la stratégie du reste de la saison. Le 13 mai prochain je serai au départ du 70.3 Pays d’Aix et mon résultat nous en dira plus sur les courses à venir !
Merci beaucoup pour cette interview !