Connaître à l’avance son chrono sur la ligne d’arrivée est le rêve de tout athlète d’endurance. Pour aider à exaucer ce vœu, il existait déjà l’aide de tables de référence pour estimer le niveau des différents athlètes, par exemple les tables VDOT de course-à-pied de Jack Daniels, les tables de puissance en vélo d’Andrew Coggan, les extensions des tables VDOT pour les temps de course-à-pied sur triathlon…
Récemment, le coach Alan Couzens a lui aussi apporté sa pierre à l’édifice en proposant des benchmarks, des niveaux de référence pour les triathlons (visiblement orienté longue distance). Cependant, le véritable but n’est de cette table n’est pas de prédire le temps final mais plutôt de permettre au triathlète d’identifier ses faiblesses. Suivant l’objectif qu’il vise, un triathlète saura ainsi sur quoi axer prioritairement son entraînement, chose non évidente quand il y a trois disciplines et peu d’épreuves par an (ex: format ironman).
La table se base sur des athlètes qu’il a observés. Elle intègre à la fois des caractéristiques physiologiques issues d’analyses en laboratoire (VO2max, lactates), des tests sur le terrain (50m nat’, 200m c.a.p, simulation Ironman …), des tests de force (5RM squat) ainsi que des références de puissance et d’allure… Il utilise également des codes couleurs à la manière de certains arts martiaux pour introduire des niveaux (ceintures blanches, jaunes, vertes, bleues et noires). Il préconise de fragmenter l’entraînement de progresser étape par étape sans vouloir passer trop vite les niveaux. Dans son texte de blog, il donne l’exemple d’une ceinture jaune qui montera progressivement en charge d’entraînement à travers 6 blocs pour atteindre le niveau supérieur et réaliser un half plat en moins de 6h.
On peut également constater que les chronos de Jan Frodeno (3h45 avec sa victoire au dernier 70.3 d’Oceanside) et Cyril Viennot (3h47 avec sa victoire hier au 70.3 du Pérou) les classeraient bien en ceinture noire World Class. Donc, sans savoir si la table se base sur suffisamment de données d’athlètes pour être statistiquement représentative, ni sans savoir si T1 et T2 sont prises en compte, l’ordre de grandeur semble réaliste. Alan Couzens précise néanmoins que la ceinture noire ultime ne sera jamais obtenue, qu’un athlète ne peut être à la fois champion du monde de squats et de marathon.
La table est interactive et permet à l’athlète d’y configurer 4 paramètres personnels (sexe, poids, âge et réponse à l’entraînement). En jouant avec, voici quelques constats:
- Pour 2 athlètes de même âge, même poids, même VO2 max (ex: 30 ans, 75 kg, 64 de VO2 max), celui ayant une très faible réponse à l’entrainement nécesitera 32h d’entrainement en semaine chargée (et CTL de 193), alors que celui ayant une réponse très rapide n’aura besoin « que » de 16h (CTL de 83) ; ça permet de réaliser qu’il peut y avoir des différences énormes, du simple au double de volume, pour un même résultat (ex: 10h24 sur IM plat/Flat en anglais).
- Si l’âge de l’athlète augmente (ex: de 30 à 45 ans), la réponse à l’entraînement diminue automatiquement et l’athlète aura besoin de plus d’heures d’entraînement pour réaliser un même chrono.
- Si le poids de l’athlète passe de 68 à 75kg, sa puissance vélo augmente (ce qui est bien sur du plat), mais bizaremment les temps de course à pied n’augmentent pas (petit bug?).
Si l’on extrapole, se pose aussi la question suivante : n’y aurait-il pas la possibilité d’étendre encore ces tables : de prendre en compte plus de paramètres personnels (ex: spécificités liées à l’entraînement, aux ressentis de l’athlète, à son matériel utilisé…) ; de proposer plus d’indicateurs (ex: distance nat’ sur 1500m, sur 1900m, dénivelés…) et de produire automatiquement des recommandations d’entraînement (ex: HIITs avec puissances et allures cibles…) ? En théorie, sans doute que si, mais la superbe table ci-dessus est déjà est difficilement affichable et de fait difficilement lisible. Le coup d’après semble être l’abandon des tables pour passer par un outil qui affichera l’information sous une autre forme et peut-être même de manière plus interactive… d’ailleurs, c’est quelque chose que l’on voit déjà avec un logiciel tel que Gutaï.
Après, ce n’est pas parce qu’on en parle qu’il y a besoin de tout ça : l’important est de pratiquer ! La table montre d’ailleurs qu’il est possible de finir un triathlon longue distance en s’entrainant extrêmement peu, certains l’ont déjà essayé avec succès.