C’est un peu la révélation du triathlon LD de l’année 2019. William Mennesson commençait à se faire un nom déjà en 2018, notamment en remportant le triathlon L d’Obernaï, le triathlon L de Saint Lunaire et commençait à « jouer » dans la même cours que des Kevin Maurel, ou Sébastien Fraysse au Lacaneau Tri Event ou encore le Trigame de Mandelieu.
Mais l’appétit vient en mangeant et en 2019 … c’est la consécration, tout d’abord à Deauville en remportant le L… mais surtout en remportant d’une main de maître le mythique Embrunman à seulement 25 ans.
Trimes s’est entretenu avec William pour comprendre qui il est, quelle est sa vision du triathlon, dans quelles conditions pratique-t-il, et il nous livre beaucoup de détails intéressants !
Peux-tu te présenter ? On te connaît pour être le vainqueur de l’Embrunman et désormais du Ventouxman, mais tu n’es peut être pas aussi connu que tes homologues pro du LD français ? Quel a été ton parcours triathlétique jusqu’ici ?
Je fais du triathlon depuis 7 ans, et plus sérieusement depuis 5 ans. J’ai commencé au lycée en terminal avec l’UNSS, avant de prendre ma première licence à Versailles l’année suivante. J’ai fait deux ans en dilettante, en jonglant entre études (à Paris Dauphine), vie étudiante festive et triathlon. Puis je me suis vraiment mis à m’entrainer lorsque je suis parti en Erasmus à Oxford. Depuis c’est une longue progression assez linéaire. J’ai tout de suite été attiré par les formats long, n’étant pas nageur de base, et vu que j’apprécie l’effort solitaire. J’ai commencé à avoir de bons résultats depuis 3 ans environ, avec des tops 5 puis des podiums et enfin quelques premières places.
Du coup, c’est super intéressant que tu te sois mis sérieusement au triathlon… En Angleterre ! C’était quoi ton environnement là bas, comment tu t’entraînais ? Tu as constaté des choses différentes par rapport à une façon de s’entraîner en France ou autre ?
En Angleterre c’est un peu comme aux USA, le sport universitaire est super important et valorisé. Toutes les écoles ont leurs clubs de triathlon, géré par des étudiants.Ils avaient 6 créneaux piscine par semaine, une séance de piste et une sortie vélo.
Ce qu’on retrouve dans nos clubs en France sauf que là c’est 50 étudiants au bord de l’eau à chaque séance, avec un niveau très hétérogène. Il y a aussi les cross l’hiver entre les différentes universités, les courses vélos, des CLM en montée sèche sur 1,5kms. C’est très différent de ce que je pouvais avoir à Paris. Là bas je nageais avec le club de triathlon, je courais et faisais les cross avec le club d’athlétisme, et je roulais avec le club de vélo en semaine et le week-end. Il y avait toujours une séance de sport à faire. Apres déjà à cette époque je m’auto coachais, donc je faisais un peu ce qu’il me semblait intéressant pour moi. Le but était de progresser dans les 3 disciplines, je partais de très loin, je n’arrivais même pas à tenir les roues du dernier pack au Frances Jeunes de Triathlon (l’année ou Dorian Coninx gagne).
Ta progression est énorme, tu penses qu’en restant en France, tu aurais pu voir ton potentiel, ou pour ce coup là on doit dire merci aux Anglais ? Aujourd’hui on a l’impression que si tu n’es pas nageur, tu ne trouves pas vraiment ta place dans le tri étant jeune en France.Peut être que des talents ont arrêté le tri, alors qu’il y avait de la place pour perfer sur LD ?
L’Angleterre cela m’a sorti de ma spirale : École de commerce / soirée / alcool, donc d’une certaine façon on peut dire merci aux Anglais, c’est à partir de ce moment là que je me suis vraiment investit régulièrement et progressivement.
J’ai toujours été un touche à tout en sport, j’ai joué au volley en national lorsque j’étais cadet, au handball, tennis, équitation, je suis aussi moniteur de voile, je dois avoir un coté hyperactif, et le triathlon tombait pile poil pour m’occuper, apprendre à me connaitre et me dépasser.
Je ne suis pas nageur de formation mais, je ne suis pas non plus cycliste ni coureur. Il y a pas mal d’exemple de gars qui marche sur le long venant d’autre sport. Je pense qu’avec du travail, de la patience et de la régularité on peut arriver à tout. Le triathlon en jeune est formaté pour aller détecter les futurs espoirs médaillables aux JO. Il faut forcément avoir un bagage technique en natation et en course à pied, selon moi le vélo peut s’apprendre un peu plus tard. C’est assez formaté comme système.
Tu as un passif (expériences ou résultats) sur des formats plus court ? (D1 / D2 / D3 ?)
J’ai fait un peu de D3 de duathlon avec le Stade Francais il y a deux ans et l’année dernière. Mais je n’ai pas de vélo de route donc cela a toujours posé problème à ce niveau là. En triathlon rien du tout, mon niveau en natation ne me permettait pas à l’époque d’accrocher le bon pack en D3.
A quel moment, tu t’es dit, « ok là je commence à faire des performances intéressantes, on peut aller chercher plus haut », il y a eu un déclic ou cela s’est fait progressivement ?
Me concernant je n’ai pas fait de triathlon en jeune, juste ma dernière année en Junior qui était en fait ma première année de triathlon. A partir de là j’ai tout de suite compris que je ne ferai jamais de haut niveau sur courte distance. Mon retard technique est trop conséquent pour pouvoir me battre contre des nageurs comme Vincent, Dorian ou Pierre, même en nageant 40kms par semaine. Par contre sur le long je me disais qu’il y avait peut être moyen de s’amuser, le vélo étant plus facile et sympa à apprendre.
Cela s’est vraiment fait progressivement, mais en 2016 il y a eu un premier déclic lorsque je gagne mon premier L, le L de Vendôme avec 15’ d’avance sur le second. Puis je fais 9h01 à l’Ironman de Frankfurt 1 mois plus tard en gérant ma course n’importe comment et en faisant un hypo dès la moitié du vélo.
J’ai compris que j’avais des qualités sur le long, mais cela c’est fait petit à petit. Car être endurant sur Half ca ne suffit plus pour être devant. Il faut être a bloc tout le temps.
Chaque année je progressais, j’améliorais mes temps sur des courses déjà faite l’année précédente, et c’est vraiment ca qui me motive, aller de plus en plus vite, et voir jusqu’où je peux aller, trouver les bonnes clés à l’entrainement, voir ou est ma limite, je pense que j’en suis encore loin.
Tu as 25 ans… t’as gagné l’Embrunman en broyant tes adversaires sur le vélo … tu te rends compte de cette performance ? Rouler 5h45 à Embrun, c’est vraiment très très costaud, tu considères le vélo comme ton point fort ? D’autre ont déjà roulé 5h45 à Embrun pour exploser en plein vol sur le marathon.
Je ne sais pas si c’est mon point fort mais c’est là où je m’entraine le plus et ou je prends le plus de plaisir. Je pense que je suis assez complet comme cycliste, je ne suis pas polarisé grimpeur ou rouleur,et c’est ce qu’il faut à Embrun pour faire un joli chrono, mais je n’y pensais pas vraiment en course.
A Embrun j’ai juste suivi mon plan et mes allures par rapport à ce que je visais. Je passe en haut de l’Isoard sur les mêmes bases que Vistica et Del Corral, c’est sur le retour que j’ai juste moins craquer qu’eux. Ne venant ni de la course à pied ni du vélo, j’ai appris à courir avec des jambes fatiguées, et je pense que je commence à bien me connaitre et écouter mon corps.
Et derrière un mois après tu gagnes le Ventouxman, encore un LD montagneux, tu prouves que tu fais parti des touts meilleurs dans ce domaine, aujourd’hui y’a une volonté pour toi de t’orienter uniquement vers ce type de course ? Ou ce n’est pas exclu de te voir en PRO sur label IM ?
J’ai fait 2eme à Royan la semaine dernière aussi, parcours plat de chez plat, devant quelques pointures de l’écrasage de pédales!
Le Ventoux c’était surtout pour le coté mythique. Et je ne pense pas être un excellent grimpeur. Au Ventouxman il y a 60km de plat avant le Ventoux. Un pur grimpeur se grille les ailes avant d’arriver au pied du col. Il fallait aussi être polyvalent sur ce parcours.
Je gagne aussi Deauville cette année qui est selon moi assez roulant, un peu comme Aix. Je fais du triathlon avant tout pour prendre du plaisir et découvrir de nouvelles courses, de nouvelles régions.
Il y aura surement un ironman labellisé au programme l’année prochaine. Jusqu’à Embrun j’ai toujours été frustré sur ce format. Cela a changé depuis, donc j’ai envie d’y retourner.
Je ne cherche pas spécialement les courses montagneuses, je fais quand même 70kg, donc pas l’idéal dans le D+, mais j’affectionne les parcours où l’on peut faire des différences sur le parcours vélo et où l’on n’attend pas juste que cela passe jusqu’à T2.
J’aime bien être acteur dans la course, aller vers l’avant quand je le peux ou au moins essayer.
On a parfois l’impression que dans le long, tout est polarisé autour d’Hawaï, toi tu prouves le contraire en te forgeant un gros palmarès sur des courses hors label. Mais est ce que IM Hawaï t’attire ?
J’ai déjà fait Hawaii, en amateur, je me suis dis que je n’y retournerai jamais en groupe d’âge, j’ai été dégouté de la course qui ressemble à une grande cyclo! Je me suis dis que si j’y retournais un jour, cela serait en pro, si j’en ai les capacités et le niveau.
J’aime bien courir hors label IM car on a pleins de courses magnifiques en France, très bien organisées! L’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs.
J’ai lu que tu travaillais en parallèle du triathlon … Peux-tu nous en dire plus sur ton job,où habites-tu, comment tu concilies vie sportive et vie professionnelle ? On a toujours l’image du triathlète pro qui s’entraîne 30h/semaine, j’imagine que cela doit être compliqué de bosser à côté !
Je vis à Villefranche sur Mer du coté de Nice depuis janvier dernier, et je travaille à Monaco en tant que Business Analyst dans une boite qui fait de la billetterie en ligne pour les sports mécanique.
Avant cela j’étais à Paris et je travaillais en Finance chez Coca Cola. Mon job m’occupe 40h par semaine, donc pour l’entrainement c’est de l’organisation, il faut trouver le temps là où il est,le matin, le midi et le soir.
En général je m’entraine entre 15 et 20h par semaine. J’ai la chance d’avoir une copine qui fait aussi du Triathlon, cela permet de s’entrainer et passer du temps ensemble dès que possible le week-end, de faire les courses ensemble aussi. Le plus dur c’est de trouver la motivation le soir après le boulot quand il faut aller faire une séance dure alors que tu es fatigué de ta journée de boulot et que tu t’es entrainé le matin et le midi déjà. Mais d’un coté je me dis que c’est ce qui fait ma force aussi. Être capable de s’entrainer seul, très dur avec une grosse fatigue mentale. Cela aide à finir fort sur les courses.
Je m’écoute beaucoup aussi. Je me fais mon propre planning et je le coach, cela permet d’être super réactif et flexible selon les contraintes professionnelles et la fatigue. Je suis en permanence en train de revoir mon plan pour faire les séances qui me semblent les plus judicieuses selon mes prochains objectifs.
Tu te rends compte en lisant qu’un mec qui bosse 40h semaine, qui s’entraîne 20h et qu’aligne beaucoup de course (5 L + Embrunman cette l’année), c’est un rythme de fou … Cela te plairait de te consacrer à 100% à ta pratique ?
A l’entrainement je ne sors jamais de séances phénoménales, tout est dans la régularité pour pouvoir tenir ce rythme sur du long terme. Je m’entraine surement moins dur que la plupart des triathlètes.
La plupart de mes courses sont faite comme un entrainement, pas d’affutage particulier, sur la fatigue. Si tu vas voir sur Strava ce que j’ai fait les jours précédent Embrun tu risque de me prendre pour un fou, j’ai fait la reconnaissance du parcours 2 jours avant la course et les jours qui précédent ne sont pas vraiment plus calme.
J’aborde les courses pour me faire plaisir et essayer des choses nouvelles, sans vouloir être dans la forme de ma vie forcement. Cela évite aussi d’être déçu si cela se passe mal comme à l’Alpe d’Huez, je pense tout de suite à la prochaine course qui sera une nouvelle occasion de voir ce que mon entrainement à donner et si je suis dans la bonne direction.
Non je ne pense pas que faire uniquement du Triathlon me conviendrait, j’aurai toujours besoin d’un boulot à coté au moins une vingtaine d’heure par semaine pour m’occuper la tête et déconnecter.
Serait-il possible de nous donner tes références chronométriques dans chacune des disciplines ?
Dans l’eau je n’ai jamais vraiment fais de test, mais vu mon niveau pas sur que cela intéresse grand monde. (Depuis le début de l’ITW on présente un peu William comme une pierre qui coule si on le met à l’eau, pour rappel à l’Embrunman il sort 9èmede l’eau en 50’39 à 19 secondes de Romain Guillaume, reconnu comme bon nageur)
A vélo dimanche dernier j’ai 3h01 à 306W average power pour arriver jusqu’en haut du Ventoux (pour 70kg), 5h45 à Embrun c’est 255W average power et 280 normalized power (normalized power ou puissance normalisée est calculée sans les temps morts de pédalage où l’on développe 0 watts, sur une descente où l’on arrête de pédaler par exemple, alors que l’average power ou puissance moyenne prend en compte ces temps morts).
Je n’ai jamais fait de test FTP à proprement parler mais je dois être environ à 375W en bosse et 360W sur le plat en position aéro. (J’ai fait 20’ à bloc en Janvier dernier en reprise et j’avais 393W… mais pas sur qu’on puisse en faire grand chose)
A pied mon seul semi sec remonte à 2015, c’était 1h15 et mons eul 10km était en 34’25 une semaine après le semi. Je dois être capable d’aller un peu plus vite maintenant.
Mais plus globalement tout est sur Strava, aussi bien mon vélotaf de 20’ le matin que ma sortie de 240km solo la semaine avant Embrun.
Pour ceux que cela intéresse, vous pouvez le suivre sur Strava ici : https://www.strava.com/athletes/4379028
Pour clore cette ITW, c’est quoi la suite pour toi ? A court terme et plus long terme ?
A court terme il me reste le M de Cassis pour aller prendre une fessée par les gars du courte distance, à moyen Terme, j’irai défendre mon titre à Embrun c’est sur, le reste n’est pas encore défini, peut être l’Ironman de Nice. Sur du très long terme faire aussi bien qu’Arnaud Guilloux dimanche et me qualifier en pro à Hawaii ?