Début 2017, le monde du cross triathlon voyait naître le Team T-Vert qui allait devenir LA référence de ce milieu en Europe. On avait interviewé Sylvain Fesquet en mai 2017 où il nous parlait des objectifs du team, de sa volonté de créer une équipe avec des résultats internationaux au niveau élite, d’avoir l’aura d’un team pro, tout en développant la discipline en France. Deux ans et demi plus tard, beaucoup de chemin à été parcouru. C’est l’occasion de faire le point. On s’est entretenu avec Sylvain Fesquet, manager du Team T Vert.
Bonjour Sylvain, peux-tu nous présenter ton rôle au sein du team ? En 2017 tu étais à la fois athlète et manager, est-ce toujours le cas ?
Mon rôle a pas mal évolué. Avec la professionnalisation du Team, j’ai délaissé la partie sportive à titre personnel pour me consacrer entièrement à la gestion de l’équipe. Multitâche,je m’occupe autant de la logistique, la communication, la recherche de partenaires, le recrutement des athlètes et même maintenant la photographie de mes athlètes sur les courses. Seule la partie vidéo, trop pointue pour nous est externalisée.
Aujourd’hui le team est composé de combien d’athlètes ?
Notre effectif est mixte avec 4 élites homme et 3 élites femme. Chez les femmes : Ségolène LÉBERON, Sandra MAIRHOFER, et bientôt l’arrivée d’Éléonora PERONCINI, la Championne du Monde de cross triathlon, à la place de Camille DEFER qui souhaite s’orienter vers le raid.
Chez les hommes : Mathurin BOUTTE, ArthurFORISSIER, Théo DUPRAS et maintenant Félix FORISSIER à la place de Maxime DANON qui s’oriente vers le vélo. Nous avons ainsi une équipe jeune mais qui se connait, avec un groupe qui fonctionne parfaitement et s’entraide.
Aujourd’hui avec Sandra Mairhofer et Éleonora Peroncini, cela fait deux athlètes italiennes dans votre team, qu’est-ce qui pousse des athlètes étrangers à venir dans votre team ? Eleonora P. c’est quand même la Championne du Monde.
Il y a plusieurs choses, tout d’abord, nos résultats, nos athlètes sont performants au niveau international, nos sponsors aussi qui donnent envie de rouler sur du beau matos. Mais on ne va pas se le cacher notre image joue beaucoup, le coté fun du team, nos tenues parées de feuilles etc. Il y a deux ans on est arrivé sur le Xterra Italy avec nos deux pick-up. La remise des prix s’est faite sous un orage et peu de monde était resté. Avec le Team on faisait le doublé victoire et seconde place elite homme. Avec les athlètes on était sous la pluie avec les mégaphones et des fumigènes, on s’est vraiment fait remarqués (rires). Depuis ce jour on a une excellente image en Italie.
Vous avez vraiment une aura au niveau international, avec une vraie reconnaissance en dehors de l’hexagone ?
Oui, enfin surtout au niveau européen car on court le challenge européen toute l’année. Pas sûr qu’on soit très connu en Asie ou aux États-Unis où l’on n’a pas eu l’occasion d’aller. On a la chance d’être dans une belle discipline où les gens sont bienveillants. On est souvent invités sur les épreuves et les organisateurs font tout pour nous accueillir du mieux qu’ils peuvent. C’est très confortable pour nous.
A titre personnel, être manager du team T Vert, c’est quelque chose qui t’occupe à plein temps ?
Oui et non. J’ai la chance d’être salarié 2jours par semaine par notre partenaire principal : l’agence d’architecture Patriarche. Chez eux je suis un peu l’homme à tout faire, ce qui permet de me dégager un petit salaire et une sécurité sociale tout en ayant suffisamment de temps pour le team.
En 2017, il y avait vraiment cette envie à la fois de développer le team mais aussi de développer la discipline, notamment via un site internet qui avait pour but de rassembler toutes les informations sur la pratique du crosstriathlon, c’est toujours d’actualité ?
Oui, c’est un indispensable pour faire découvrir notre discipline au plus grand nombre. L’an passé on a refait notre site, on y poste tous nos résumés de courses, les infos relatives au team, et on peut retrouver tout le calendrier cross triathlon / xterra. C’est déjà pas mal d’avoir centralisé ce point d’informations.
Pour développer la notoriété du team, vous faites beaucoup d’actions de communication, tu peux nous en parler un peu plus, il y aurait des choses à faire en plus ?
On essaie de mettre en place beaucoup de choses, et on est assez satisfait du retour que cela a. On est très présent sur les réseaux sociaux, on tourne des vidéos sur le Team, on fait des résumés de course, des goûters après les courses où les gens peuvent venir nous voir, on vend également des articles de l’équipe (goodies, bidons, etc…). L’objectif est d’être un maximum ouverts au public, et je pense que le pari est réussi.
Lorsque vous vous êtes lancés en 2017, vous étiez le seul team cross triathlon en France, aujourd’hui vous avez un peu lancé une dynamique ?
Oui c’est toujours valorisant de voir qu’on a inspiré du monde. Une idée reprise est une bonne idée. Aujourd’hui en France,il y a 5 équipes, dont une autre réellement structurée et de haut niveau qui est le Team Organicoach de Nicolas LEBRUN (ex champion de cross triathlon et directeur de Xterra en Europe). Il n’y a pas réellement de rivalité, plus il y a de teams, meilleur c’est pour la discipline, et ça pousse les athlètes français à toujours se surpasser pour rester au niveau.
Les athlètes qui sont dans ton team peuvent être considérés comme professionnels ? Vous avez les moyens de les rémunérer ? J’imagine qu’un gars comme Arthur Forissier fait cela à temps complet ?
Aujourd’hui l’équipe arrive fournir tout le matériel, l’encadrement sur les déplacements et défrayer les frais. On soutenait un peu financièrement Arthur avec les moyens disponibles, mais malheureusement cela reste très anecdotique.
Mais c’est le but j’imagine ? Un peu à l’image d’un team VTT ?
Oui c’est le but, c’est la prochaine étape pour être pérène dans le temps.. Aujourd’hui, Arthur, entre ses primes et le support de l’équipe, arrive à vivoter mais cela reste précaire et cette situation stressante n’est pas très favorable aux résultats de l’athlète, comme je pense beaucoup de gars de son niveau en triathlon.
Aujourd’hui il n’y a pas 100 solutions pour passer le cran au dessus, vous êtes en recherche de partenaires financiers ? C’est quoi le budget de l’équipe à l’année ?
Oui, on a deux pistes. Il faut effectivement que l’on trouve davantage de partenaires financiers pour stabiliser le team. Ensuite, la deuxième solution c’est d’organiser une course ou plusieurs, un challenge. L’idée serait que les bénéfices des événements sportifs financent en partie le Team. Depuis deux ans maintenant on organise un swimrun pour les salariés de nos partenaires. L’an prochain on va ouvrir cet événement au grand public pour commencer.
L’enveloppe financière du team est de 45000 €, mais si on englobe tout, c’est-à-dire si l’on valorise le coût du matériel que nous donnent nos partenaires, les heures de bénévolat et tous les avantages en nature que l’on obtient, pour faire ce qu’on fait le cout réel est dix fois plus élevé.
En 2017, tu nous confiais que le but à 3 ans c’était d’avoir 3 athlètes qui fassent des top 10 mondial ? Objectif réussi ?
Oui objectif largement atteint et même dépassé ! Sur le Xterra Suisse 2018 on place déjà 3 athlètes dans les 5 premiers, l’année suivante on réalise le doublé victoire homme et victoire femme, Arthur Forissier est devenu Champion du Monde cross triathlon, c’est exceptionnel !
Et puis la deuxième grande satisfaction ce sont les filles. J’ai toujours voulu qu’on ait une équipe mixte, on s’était lancé avec seulement 1 seule feminine, maintenant on en a 3 et elles ont eu des résultats très au dessus des attentes.
Sandra MAIRHOFER est vice championne d’Europe de cross duathlon, 3ème des championnats d’Europe de cross triathlon, Ségolène LÉBERON c’est 3 top 10 en Xterra, Camille DEFER a remporté le Xterra Suisse, termine 3ème en Belgique. On ne s’attendait pas à de si bons résultats pour une première saison même si on avait fait un casting de luxe.
Je pense que c’est en partie dû à l’ambiance qui règne entre elles et leur état d’esprit solidaire, elles sont là pour s’entre-aider et progresser ensemble. Lors d’un stage, on avait fait venir un coach pour travailler la technique. Les garçons étaient plus dans la compétition, à vouloir montrer qui allait passer le mieux le passage technique. Les filles, avaient une approche différente, elles étaient vraiment dans l’échange entre elles, avec l’envie qu’à la fin de la journée elles aient toutes réussi.
Petite mention spéciale à Ségolène qui vient du vélo, c’était sa première année en cross triathlon, on voulait la faire courir chez les amateurs, première course elle fait championne du monde amateur en 25-29 ans, on l’a donc direct mise en élite pour le reste de la saison. La vocation du team est de toute façon d’uniquement courir en PRO, et ne communiquer qu’autour de cela.
Je rebondis sur le fait que tu dises que Ségolène viennent du vélo, un bon VTTiste fera forcément un bon cross-triathlète ?
Oui, un très bon VTTiste de niveau national qui sait un peu nager arrivera relativement facilement à faire des top 20 scratch sur les manches XTERRA. Les bons VTTiste ont la caisse et savent courir, ils peuvent même réussir à faire des top 10 voir un peu mieux… Mais ensuite la marche est trop haute. A haut niveau, pour aller chercher les podiums il faut être complet. J’ai plein d’exemples de VTTiste qui font directement de grosses perf’ en Xterra, top 10, voir top 5, les mecs commencent à rentrer dans le prize money et à se dire qu’ils débutent et qu’ils en sont déjà là, mais dans les faits, après deux ans de pratique ils ne progressent pas.
Pour s’améliorer en natation et à pied ils vont y consacrer du temps en délaissant un peu leur point fort et finalement régresser en VTT. Ils n’arriveront plus à faire la différence comme ils la faisaient avant, ils sont plus complets mais pas forcément plus forts. La marche entre le top 10, voir top 5, et le podium/victoire est vraiment très importante, ce sont de vrais triathlètes qui gagnent en cross triathlon.
Aujourd’hui es-tu satisfait de la reconnaissance du cross triathlon au niveau fédéral ?
Pas du tout, la communication autour de la discipline de la part de la fédération est vraiment minime. J’ai du mal à comprendre pourquoi lorsqu’Arthur est Champion de France ou Champion du Monde du cross triathlon, il n’y a pas un mot sur les réseaux sociaux de la fédération.
On nous parle de Championnat du Monde multisports (triathlon LD, duathlon, cross triathlon, aquathlon), et la seule chose dont on nous parle vraiment ce sont les Championnats du Monde LD, pas un mot pour le cross triathlon. La France a 5 places en élite à attribuer, il n’y a aucune sélection, les mecs qui envoient leurs dossiers médicaux sont ensuite pris par l’ordre chronologique d’arrivée des dossiers, c’est n’importe quoi, et il faut payer le déplacement, sa trifonction etc.
En Italie, ils alignent 5 hommes / 5 femmes au départ, ils ont une course de sélection, on leur paie leurs frais pour les Championnats du Monde et d’Europe cross triathlon. C’est beaucoup plus sérieux et les résultats sont au rendez vous. J’entends que le cross triathlon n’est pas le sport olympique, mais il n’y a là aucunes considérations… C’est dommage parce que les français ont un super niveau international. Arthur Forissier, Champion du Monde, Arthur Serrières vainqueur du Challenge Europe Xterra, François Carloni qui fait de nombreux Top5, Brice Daubord qui court peu mais qu’est très bon.
Aujourd’hui je préfère recruter des athlètes Italiennes, car je sais que sa fédération prendra en charge les Championnats du Monde et d’Europe, et cela coutera moins cher au team qu’une recrue française.
A court terme c’est quoi l’ambition du team ? Les Championnats du Monde Xterra àHawaï ?
Non … nous ne financerons aucun athlète pour y aller. Un championnat du monde à Hawaï, d’un label privé, toujours au même endroit, c’est n’importe quoi. On vend un peu de mythe autour de cette course, notamment aux groupe d’âge, alors que c’est beaucoup trop cher. Tout le monde va faire sa cagnotte en ligne, demander de l’argent à ses proches pour financer sa course, on ne souhaite pas rentrer dans ce système.
Si Arthur rentre dans le top 5, avec sa prime de course il rembourserait son déplacement, c’est le seul du team à en être capable, c’est donc le seul à y aller. Notre ambition et de conserver un groupe très performant tout en restant accessible et avec une super ambiance au sein du groupe. Je veux que mes athlètes soient impliqués dans le team au travers de l’organisation des goûters, du swim run etc.
Et à plus long terme ? Dans 3 ans ?
Aujourd’hui y a deux chemins possibles, et cela dépendra des partenaires financiers… Soit on commence à avoir du budget,qui nous permettent de rémunérer nos athlètes, de me rémunérer aussi et le Team décolle, soit le Team T Vert devra s’arrêter … J’ai tout sacrifié pour monter le Team T-Vert, j’ai arrêté mes études avant d’être diplômé, j’ai fait cela par passion. Mon moteur en lançant ce team c’était d’avoir des athlètes de niveau international, d’avoir une communication propre, qui claque, de développer la discipline en France, et de ce côté, tous les objectifs sont remplis.
Mais après 3 ans il faut que la situation évolue, je ne peux plus me permettre de vivre comme ça, c’est très précaire. Je ne regrette pas du tout mon choix, c’est ce qui m’a rendu heureux, mais maintenant il faut comprendre que ce n’est pas viable. Les résultats, la communication est le team tel qu’on le connait vit « à crédit », cela fonctionne grâce à notre bénévolat.
Est-ce que tu vois quelques choses à aborder pour clore cette ITW ?
Je vous remercie d’avoir pris l’initiative de me recontacter pour faire ce bilan 3ans après. C’est amusant de voir que l’avenir peut se prédire à peu de chose près, et se rendre compte rétrospectivement de tout le travail fourni pour en arriver là. Merci et merci aussi à ceux qui auront pris le temps de lire cet interview dans sa globalité.
Si vous souhaitez suivre les aventures du Team T-Vert, on vous laisse suivre ce lien : https://www.facebook.com/TeamTvert/