Antoine Pérel est déficient visuel et meilleur Français sélectionnable aux JO de Tokyo dans la catégorie PTVI.
Olivier Lyoen lui prête ses yeux, mais plus qu’une relation de guide et guidé, c’est une véritable équipe qui s’est formée. Car c’est bien connu, à 2 on ne forme qu’1 !
Est-ce que vous pouvez vous présenter brièvement chacun?
Antoine : J’ai 33 ans, j’habite à Hazebrouck, à 45 minutes de Dunkerque et j’ai 2 enfants : Audrien, 9 mois et Antonin, 5 ans. Ma compagne travaille dans la restauration et j’ai signé un CDD y a 1 mois à Pôle Emploi où je suis chargé d’accueil. J’aurai un emploi du temps adapté à partir de Novembre lorsque la liste des athlètes de haut niveau sera diffusée le 1er Novembre. Pôle Emploi est partenaire des sportifs de haut niveau. Avant j’ai enseigné le brail dans un lycée pendant 5 ans.
Ça fait 3 ans que je pratique le triathlon, avant j’ai fait de l’athlétisme de 2005 à 2016. J’étais spécialisé en saut en longueur (record à 6m81) et 100m sprint, j’ai fait les JO de Pékin en 2008.
J’ai arrêté ma carrière d’athlé en 2016 puis je me suis mis au tri car des copains en faisaient.
Olivier : J’ai 38 ans, j’habite Dunkerque, je suis marié (à Hawaii) et j’ai 2 enfants : Simon, 13 ans et Maxence, 25 ans. [Retrouvez l’interview d’Olivier réalisée en 2016 ICI, NDLR]
Comment est-ce que tout a commencé ? Qui a fait le 1er pas ?
Antoine : En athlé j’ai eu plusieurs guides même si ça n’a jamais été vraiment défini. Puis en triathlon ça s’est fait assez vite. Après un stage de détection fédérale, j’ai rencontré un athlète en fauteuil de Dunkerque (Sébastien Declerck) qui m’a dit « Je te recontacterai pour te mettre en relation avec quelqu’un » (Olivier). Puis on s’est appelé avec Olivier, on s’est vu à la piscine, il était en slip de bain, son piercing au nombril enfin voilà, la 1ère rencontre s’est faite comme ça !
Olivier : J’ai fait du haut niveau en triathlon dans les années 2000 et je n’avais plus de chances de participer aux JO… La concurrence était sévère notamment avec des athlètes comme Fred Belaubre. Je suis rentré dans le Nord et j’ai commencé à travailler pour la ville de Dunkerque où j’ai monté un petit groupe de triathlètes.
Je me rappelle avoir vu à la télé le marathon de Londres à l’époque et une interview d’une athlète aveugle qui avait fait 2h50 ! Ça m’avait ému, elle pouvait faire encore mieux mais elle était limitée par son guide.
Je me suis inscrit sur une liste de la Fédé en 2002 pour être volontaire en tant que guide. Il y avait une association aussi qui mettait les guides en contact avec les personnes en situation de handicap. Mais je n’ai jamais été contacté…
A partir de là, j’ai toujours suivi les compét handisport et j’ai rencontré beaucoup d’athlètes en situation de handicap comme Sébastien Declerck.
Un jour en 2016, Sébastien est venu me voir après sa détection et m’a proposé de guider Antoine.
J’ai dit oui tout de suite ! Il faut vraiment le voir comme une opportunité. On a pas beaucoup de chances de guider un athlète dans notre carrière donc quand ça se présente faut pas hésiter, c’est vraiment très enrichissant.
Cette année-là, j’avais enchainé Hawaii et XTerra, j’étais déjà bien engagé avec mes partenaires Hoka One One et Grade 9 Titanium Bikes, donc je pensais que ce serait un peu délicat au niveau communication. Mais en parlant avec eux ils ont été ok et m’ont même suivi par la suite dans ce projet. Je suis fier d’avoir amené mes partenaires dans ce projet !
Le handicap fait peur par rapport à l’image véhiculée.
Par exemple pour un handicap au niveau d’une jambe ou un pied, même si t’es sensible à la performance, pour une marque de basket, ça peut faire hésiter tant l’athlète usera la chaussure prématurément ou bizarrement …
Ce qui rend leprojet intéressant c’est la dimension sportive mais aussi tout ce qu’il y a en plus, l’adaptation, l’entraînement, la communication, la recherche de financement…
Antoine, ton handicap est apparu à quel âge et est-ce que tu as dès le début pensé à un guide pour continuer tes activités sportives ?
J’avais 10 ans quand on m’a diagnostiqué une maladie génétique. J’ai une tâche dans le centre de l’œil au niveau des 2 yeux et une vision périphérique très faible.
Quand j’étais enfant, je voulais être footballeur professionnel, mon père jouait à haut niveau et j’étais passionné. Puis avec le handicap j’ai continué mais c’était de plus en plus compliqué. Même avec les copains et l’entraîneur qui étaient au courant ça s’est dégradé. Par exemple quand un oiseau passait je pensais que c’était le ballon !
Puis en course à pied mon 1er guide c’était mon père sur les cross au collège et il se débrouillait déjà très très bien !
Quelle est ta catégorie de handicap et comment se fait la« classification » ?
[Les paratriathlètes concourent sur les épreuves en fonction de leur catégorie de handicap. La catégorie PTVI – « Partial or Total Visual Impairement » – correspond au déficit visuel partiel ou total et inclut : les athlètes qui sont totalement aveugles, c’est-à-dire n’ayant aucune perception de la lumière dans les deux yeux ; les athlètes ayant une perception de la lumière (sous-catégorie B1) et les athlètes partiellement voyants (sous-catégorie B2-B3). Un guide est obligatoire pendant toute la course. La partie vélo se fait obligatoirement en tandem, NDLR]
Antoine : Je suis dans la catégorie PTVI et aujourd’hui dans la sous-catégorie B1 c’est à dire les plus lourdement handicapés.
Mais quand j’ai fait ma 1ère classification en athlé, à cette époque j’ai d’abord été mis en B2-B3 car l’athlé c’est sécurisé et c’est sur une piste.
Quand j’ai commencé le triathlon, j’ai refait une classification avec le même médecin qui me connaissait et il m’a proposé de rester en B2 mais il avait hésité. J’ai dit oui mais je mais suis vite rendu compte que c’était trop compliqué et que j‘étais pénalisé par rapport à d’autres athlètes.
Olivier : On s’est rendu compte que les autres B2-B3 étaient autonomes, qu’ils rangeaient eux-mêmes leur matos dans la zone de transition alors que moi je devais l’aider. En B2-B3 tu peux te permettre d’être guidé avec un peu plus de distance. En B1 faut être collé et donc très synchro.
Pour nous c’était vraiment compliqué à pied dans les virages, les bordures de trottoir, les changements de parcours… B2 ça correspondait pas au handicap d’Antoine. On a couru en B2 sur la saison 2017 / 2018 et cette année Antoine a été changé pour B1.
Qu’est ce que ça a changé pour vous le fait de passer en B1?
Antoine : En B1 pour être sûr d’avoir tous le même handicap, je suis obligé d’occulter complétement ma vision pendant toute la course. J’ai des lunettes de natation opaques et des lunettes opaques à vélo et sur la course à pied, jusqu’à la ligne d’arrivée.
Olivier : En B1, comme tu vois rien, t’es obligé d’être guidé serré, du coup t’es obligé de faire tout le travail de synchro.
On a essayé d’être attaché par le coude aussi mais ça secouait trop, c’était l’horreur. Maintenant on est attaché au poignet. Si je vois un obstacle je lui attrape le poignet pour le prévenir.
Sinon il faut imaginer qu’Antoine il prend toutes les infos dans les jambes. Quand il y a une pente et qu’il ne le sait pas, il bute dans la pente, il prend tout dans les quadris. A Funchal [Coupe du Monde de Pratriathlon à Madère en Octobre 2019,NDLR] y avait une pente à 15% à la sortie du parc à vélo et ben Antoine il a mis 1km à s’en remettre !
Faut savoir aussi qu’on n’a pas d’aide extérieure sur les transitions et c’est là où on perd énormément de temps par rapport aux B2-B3.
Et en natation le lien est plus court, à environ 40cm. Nous en natation on s’attache au niveau de la cuisse avec un lien élastique, mais le guide n’a pas le droit de tirer et faut pas que les 2 têtes soient éloignées de plus d’1m50.
Olivier, est ce que tu mets ta carrière sportive personnelle en stand-by ou tu gères les 2 en parallèle ?
Olivier : Le moment où j’ai mis ma pseudo carrière en stand-by c’était en 2002. J’espérais faire les JO, j’ai été champion de France junior puis j’ai quitté le pôle France et le tri est devenu un loisir.
A ce moment-là, en travaillant en tant que maître-nageur, j’étais pas hyper impliqué. Même si j’ai gagné à Hawaii en 18-24 [9h20 en 2005, NDLR], j’étais moins impliqué que quand j’étais en Grand Prix ou au Pôle France à Boulouris.
J’ai même carrément arrêté le tri à une période. Puis en 2016 j’ai rencontré Antoine, ça s’est enchaîné mais j’avais quand même l’intention de continuer les IM et XTerra.
Et puis finalement ce que je fais aujourd’hui avec Antoine ne me prive de rien, c’est génial, c’est une super opportunité.
Maintenant, une 3ème place en Championnat d’Europe ou une
4ème aux Championnats du Monde avec lui ça vaut largement une victoire à Hawaii ! Quand on passe la ligne d’arrivée à 2 c’est énorme comme émotion, j’en ai pleuré, on en a pleuré tous les 2 avec nos femmes au téléphone. C’est des moments super forts.
Quelles sont les qualités d’un « bon « guide?
Antoine : Qu’il soit compréhensif envers son athlète. Forcément le guide est plus « fort » et il faut qu’il attende qu’on soit à son niveau. Il est pas là pour tirer l’autre ou le dominer mais pour l’aider, le seconder. Guider c’est apporter un réconfort.
Vous êtes devenus amis ?
Antoine : Oui presque ! On se considère un peu comme frères.
Olivier : Oui c’est ça ! En tout cas je ne considère plus Antoine comme un handicapé. Quand on fait une course on est sur le même pied d’égalité, je m’applique à être hyper synchro, à ne pas faire de mouvements parasites.
Le but c’est d’être très très synchro sur les 3 disciplines. Être efficace sur la même fréquence de pédalage. Si Antoine est efficace à 88 tours / minutes je dois le savoir et être à 88 tours / minutes. Le point fort sur le coup de pédale doit être au même moment.
Il m’est arrivé de guider des amis déficients visuels autre que Antoine et quand je sens leur pédalage ou leur force, en fait c’est juste un décalage… Quand on est efficace c’est quand j’ai l’impression d’être tout seul sur le vélo… On a découvert ça avec l’expérience.
J’ai vu des vidéos de vos courses notamment en course à pied. Comment vous faites pour courir exactement à la même foulée, avoir la même gestuelle, le même rythme ?
Antoine : On n’a pas encore essayé la danse de salon ! Mais moi je viens de l’athlé donc j’ai eu un gros travail de placement, de montée de genou, etc.
Et en fait en course on a la même foulée ou je m’adapte à la foulée d’Olivier. On a bossé là-dessus.
J’ai déjà été guidé par quelqu’un de plus petit que moi. Il faisait 1m65 et il était très fort mais la différence de taille était trop importante pour que ça fonctionne [Antoine mesure 1m79 et Olivier 1m75, NDLR]
Olivier : Ça demande du temps passé ensemble et pour le reste je vais pas donner des infos à nos adversaires !!! C’est beaucoup d’entraînement. C’est comme au cirque, c’est des heures et des heures à répéter.
Et pour parler entant qu’entraîneur : Antoine vient du sprint, il avait une foulée très énergivore. J’avais l’impression de courir avec Usain Bolt accroché à mon bras ! Il fallait changer ça car sur 5km ou 10km c’était pas jouable. Du coup on a modifié sa foulée pour être efficace sur demi fond .
Des conseils pour ceux qui cherchent un guide?
Olivier : Les réseaux sociaux c’est bien fait pour ça. Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide quand on est une personne en situation de handicap. Moi j’ai pas mal d’amis qui sont déficients visuels et souvent ils ont peur de gêner ou de déranger les valides. Ils se disent que les valides vont se faire « chier » avec eux. Faut pas se soucier du niveau de la personne mais juste oser demander de l’aide.
Et je m’adresse aux valides : « Allez-y c’est super enrichissant ! »
Pour un 10km que je ne pouvais pas faire, Antoine a eu du mal à trouver quelqu’un et ça me mettait en colère car j’ai plein d’amis qui font des 10km tous les week ends et pas un ne voulez faire l’expérience ?! Faut pas avoir peur, faut demander même sur une petite distance, faut pas hésiter même si on a peur de mal faire. Tu sortiras grandi d’une expérience nouvelle.
Avec Antoine on a fait notre premier 10km en 37’49″ et la semaine d’après on a renouvelé l’expérience cette fois en 36’52″ !
Antoine : Je comprends qu’on se dise que ça va faire « chier » un athlète d’aider une personne en situation de handicap.
Et en plus quand on commence à avoir du niveau c’est encore plus difficile de trouver un guide. Moi faut que je trouve un guide qui court en 32’ / 33’ au 10km, comme Olivier, alors que je suis en 36’.
Parce qu’il faut qu’il soit plus « facile » pour bien communiquer, voir les obstacles, anticiper, relancer l’autre. Olivier grâce à son aisance à pied ça lui permet de bien me guider.
Olivier : J’ai une anecdote, on a fait un test VMA avec Antoine sur la piste couverte de l’INSEP. On était attaché et Antoine avait les yeux dans le noir. Il a validé le palier 19 et moi je me suis détaché et je devais continuer après tout seul. Et pendant quelques plots mon cœur est redescendu ! J’étais plus haut en FC à 19 avec Antoine qu’à 20 tout seul !
Moi je suis au taquet quand je cours avec lui ! Je m’ennuie pas, mon énergie je la dépense à prendre les chronos, à lui parler ou lui crier dessus, lui prendre le bras quand y a un trou qui arrive… C’est ce qui nous amène au final tous les 2 à la même intensité cardiaque.
Olivier, pour bien assimiler ton rôle de guide est ce que tu as aussi essayé de te mettre dans les conditions d’Antoine sur les 3 disciplines c’est-à-dire sans aucune vision ?
Olivier : J’ai essayé de courir les yeux bandés seul en ligne droite c’est juste horrible, j’étais en panique j’arrivais pas à respirer. Par contre, j’ai plusieurs fois nagé les yeux bandés pour pouvoir lui donner les bons conseils en tant que maître-nageur. C’est pas évident de trouver les bons mots sans montrer les gestes ! Et en vélo j’ai peur, j’ai vraiment du mal en tandem à être derrière…
Comment votre histoire à 2 a changé votre vision du handicap dans le sport?
Olivier : Moi je suis arrivé dans l’équipe de France de Paratriathlon avec de la compassion, une sorte de pitié au début face aux personnes en situation de handicap. Et puis finalement j’ai vu que l’équipe des handisports de la Fédé c’est des héros, ils rayonnent tous avec leur handicap ! Certains te diront même qu’ils ne voudraient pas revivre sans leur handicap, ils sont très fiers de ce qu’ils représentent. Le sport est un super moyen d’intégration.
Antoine : J’aime le sport, je voulais en faire un métier, je rêvais d’être footballeur. Quand on m’a annoncé mon handicap ça a été compliqué sur le coup… Heureusement j’ai été bien entouré par mes parents et d’autres parents d’élève qui m’ont conseillé des écoles spécialisées.
Je me suis remis au sport, j’ai découvert les catégories de handisport et j’ai découvert que je pouvais prendre plaisir à faire du sport dans cette catégorie, sans pression.
Et puis finalement, aujourd’hui, inversement j’aime bien courir avec des valides et montrer ce qui est possible ! A Deauville on finit 2ème parmi les valides, ça a dérangé qu’on soit dans le même classement ! [Antoine est classé 2ème en 1h10 sur le format S, NDLR]
C’est des réactions de compétiteurs que je peux comprendre. Au début ils te disent « Ah c’est bien ce que vous faites les gars, c’est courageux » et quand on les double ils te disent « Ah oui mais vous avez 4 jambes » !
Olivier : Oui on fait des top 10 sur 10km avec les valides ! J’ai plus de plaisir sur ces podiums que quand je gagnais seul. Un bonheur est meilleur lorsqu’il est partagé.
Comment avez-vous démarré au niveau équipement ? Et quelles améliorations avez-vous apportées ?
Olivier : Notre 1er tandem c’était un Cannondale version touring avec de quoi poser les porte bagages, pour papy qui promène mamy !
On l’a utilisé 1 an et demi et puis on a changé pour plus léger mais surtout sur mesure. En passant sur le Grade 9 de Titanium Bikes, on est passé de 21 à 12kg.
Donc on a commencé à faire des meilleurs temps à vélo. Avant, avec le Cannondale les relances étaient très très coûteuses en énergie et du coup ça impactait aussi sur la course à pied. Le matériel utilisé en vélo peut vraiment changer ton temps en course à pied. Aujourd’hui Antoine est le meilleur coureur à pied en catégorie B1.
Bjorn Téani [Créateur de la marque française Grade 9, NDLR] nous a fabriqué le vélo et nous a positionné dessus. On a gagné environ 15cm, on est plus emboité l’un dans l’autre, le vélo est plus court. Là où c’est un génie, c’est qu’on est plus confort alors qu’on est plus court et plus ramassé.
Moi je peux être sur les prolongateurs quand le parcours le permet et Antoine se baisse un peu plus et plie les bras pour une position plus aéro.
Bjorn a également choisi les tubes en fonction de nos poids et puissance, ce vélo n’est ni trop souple, ni trop raide. Il est fait pour nous et cela se ressent vraiment.
Comment communiquez-vous l’un avec l’autre dans chaque discipline ?
Olivier : Je cris ! J’aime bien lui crier dessus ! Je mets des pressions sur le poignet en course à pied et je lui dis de sauter et il saute. Des fois, à l’entraînement je lui fais des blagues juste pour le voir sauter…
En natation c’est un problème, on peut pas trop communiquer. Par exemple sur un passage de bouée moi je vais tourner et lui il peut mettre 5 ou 6 coups de bras avant de tourner ! Quand on tourne à gauche, sur Antoine, ça va (je suis toujours à sa droite) mais quand on tourne de l’autre côté c’est compliqué. Souvent on fait la reco la veille et je relève les chronos entre chaque bouée.
Antoine : L’avant course ça m’aide. Surtout en lunettes opaques, le fait de connaître les temps avant ça m’aide et avec l’expérience je commence à savoir à quoi ça correspond dans la tête par exemple une durée de 2 minutes. Mais quand c’est plus long, par exemple 7-8 minutes dans un sens c’est plus dur de savoir quand ça va tourner.
Olivier : Pour le reste il faut qu’on travaille les transitions.
A Magog [ITU Paratriathlon World Cup au Canada en Juillet 2019, NDLR], je l’ai attrapé par la taille, on était hyper collé pendant la transition. Les gens nous regardaient bizarrement mais et on était beaucoup plus efficaces et plus rapides !
Alors qu’à Funchal [ITU Paratriathlon WorldCup au Portugal en Octobre 2019, NDLR], on perd 2 fois 30 sec aux transitions, c’est énorme ! L’anglais [Dave Ellis, NDLR] nous reprend et nous prive de la victoire qu’à 2km de l’arrivée. Si on ne perdait pas 1 minute aux transitions ça aurait pu passer.
Il faut qu’on passe plus de temps à travailler la synchronisation sur les transitions.
La partie vélo semble être la plus compliquée. Comment vous gérez ?
Olivier : C’est un tandem, en fait c’est assez simple. Les 2 pédaliers sont liés par 1 chaîne. Faut juste bien démarrer, se lancer et appuyer sur la pédale ! Pas compliqué !
Maintenant avec un peu plus de pratique on met aussi les chaussures sur le vélo avec les élastiques et on part très vite… Ça peut paraître très technique mais en fait il suffit de passer du temps à le faire.
La communication est un peu différente mais par exemple quand j’arrête de pédaler avec la jambe gauche en haut, c’est qu’on va tourner à gauche. C’est comme quand on roule tout seul en fait, le même geste et Antoine le comprend.
En général on reconnait plusieurs fois le parcours vélo avant la course mais oui on communique beaucoup malgré tout. Pour un dos d’âne par exemple, je laisse les pieds parallèle et je préviens et on lève les fesses avant.
Antoine : On a mis en place la danseuse il y a peu de temps et on se débrouille très bien !
Olivier : Oui la danseuse c’est très efficace pour les relances mais pas pour les dénivelés. On préfère augmenter la fréquence de pédalage. En fait c’est moi qui gère les freins et les vitesses.
Antoine : Ça m’est déjà arrivé de demander de rajouter une dent ! Ou des fois je suis frustré d’être freiné, j’aime bien la sensation de vitesse. Mais quand ça freine c’est qu’il y a une raison, un obstacle ou un concurrent.
Olivier : Moi je ne pourrai pas être à l’arrière, quand tu vois les parcours, par exemple à Lausanne, ça serait au-dessus de mes forces, faut être à moitié taré !
Antoine : Je monte déjà derrière mes beaux-frères à moto ! Moi je fais confiance et je suis là pour aller le plus vite possible.
Olivier : Antoine a le capteur de puissance sur son pédalier et moi je me sers des valeurs pour gérer son effort.
Antoine : Si j’appuie pas assez il me dit d’en remettre !
Est ce qu’il y a des adaptations prévues pendant les courses par les organisateurs ?
Olivier : Les parcours natation n’ont pas besoin d’être adaptés pour les personnes en situation de handicap par contre les sorties d’eau et les transitions oui, notamment pour ceux qui sont en fauteuil. Mais sinon c’est pas hyper adapté ou aménagé. Les handis s’adaptent constamment dans la vie de tous les jours. Ils souhaitent juste l’autorisation de participer.
Y a bien sûr des parcours où ce sera pas possible d’aller, par exemple des cross triathlons.
Mais ça progresse, il faut qu’il y ait des échanges entre les associations, participants, organisateurs et les municipalités. Il faut pas prendre le problème à l’envers : ne pas faire une compétition aménagée parce qu’on n’a pas beaucoup de demande. Au contraire, c’est quand on prévoit des courses pour les personnes en situation de handicap qu’on les voit sortir de leur trou !
Quels sont les points forts et les points faibles de l’autre ? Comment l’un influence l’autre dans sa pratique ?
Olivier : Je pense que globalement on est très complémentaire, y en pas un qui prend le dessus sur l’autre.
J’aime bien quand on me pose la question « Qui est le plus fort dans chaque discipline ?». Ça montre qu’aucun des 2 ne prend le dessus sur l’autre.
Car pour moi on ne fait qu’un. On est une seule équipe.
Antoine : Pas sur les trajectoires !
Olivier : Ah oui les trajectoires c’est mon affaire !
Par contre, moi ça m’a développé la motivation. Là c’est du haut niveau, j’ai vraiment les crocs, je suis pro dans ma démarche et bientôt encore plus avec l’aménagement de mon temps de travail. Je sais que je serai nettement meilleur que ces 10 dernières années. Ça va forcément avoir un effet.
Antoine : L’effet positif pour moi c’est qu’il m’encourage et en plus c’est mon entraîneur. Donc y a forcément des effets, il sait sur quoi travailler.
En fait votre duo gomme complètement le handicap? Vous formez finalement 1 seul triathlète « valide » à 2?
Olivier : Oui c’est ça ! La finalité du truc c’est 1+1=1
On le voit avec nos adversaires, on bat des déficients plus fort qu’Antoine et avec un guide plus fort que moi. Donc le truc c’est de savoir former qu’1 à tous les 2.
Antoine : Il a raison, c’est en symbiose totale qu’on va beaucoup plus vite. C’est pas le guide qui va faire qu’on va gagner la course. C’est les 2 ensemble.
Quels sont vos objectifs de course en 2020? Que reste-t-il à faire pour être qualifié aux JO de Tokyo 2020 ?
Olivier : C’est très très compliqué. Les critères pour être sélectionnable en 2019 c’etait top 2 aux Championnats du Monde et pour l’instant y a que Alexis Hanquinquant et Vincent Luis.
Derrière, chez les handis, le plus proche de ces critères c’est Antoine avec sa 4ème place aux Championnats du Monde. C’est pas suffisant mais si il refait un top 4 aux Championnats du Monde de Milan en Mai, là ce sera ok. Dans notre caté il y a aussi Toumy Degham avec Arnaud Grandjean, en B2-B3.
Puis il y a Cyril Viennot avec Thibaut Rigaudeau en B2-B3. En fait on peut espérer qu’il y ait 2 français au JO car Arnaud est bien classé aussi dans les 10 premiers.
Avec la fracture de la clavicule d’Antoine en début de saison on a moins pu courir que les autres mais finalement sur 5 courses on peut dire que c’est 5 réussites.
Quand tu prépares une olympiade, je pense que tu n’as pas le droit de te rater et le pourcentage de courses réussies ou manquées est à prendre en compte.
Antoine : Oui on a eu de la réussite cette année malgré les petits problèmes à Magog ou à Valence sur le circuit vélo avec les gens qui traversaient. Malgré tout ça on arrive à s’en sortir et à faire podium. Nous on fait en sorte de se donner à fond et de jouer. Je pense qu’on arrive à maturité au bon moment.
Olivier : En plus à partir de Décembre on aura des aménagements, on sera chacun à 50%, on aura plus de temps.
On a déjà beaucoup bossé cet hiver pour passer en B1. On avait un bon niveau, très compétitif en B2-B3 et quand on a changé on est reparti à zéro. Antoine est passé dans le noir complet. C’était risqué mais c’est passé. Il a passé certains de ses entraînements dans le noir complet pour se préparer mais sans être sûr d’être certifié B1 par le médecin. Mais on a quand même montré une super saison et ce sera encore mieux l’année prochaine avec ce nouveau guidage.
Est-ce qu’il y a une bonne ambiance au sein de l’équipe de France de Paratriathlon?
Olivier : Y a une concurrence mais qui reste saine. C’est un gros enjeu les JO. Je pense qu’ils nous aiment bien et on les aime bien, on partage, on rigole !
Je pense honnêtement qu’aujourd’hui si le niveau des tandems est aussi haut c’est parcequ’on est 3. On se tire la bourre, on va chercher les gains, on fait des choix pour optimiser… Sans Poulidor, Anquetil n’aurait pas été si fort.
Quelles sont vos chances au JO ?
Olivier : On sera dans le top 10 ça c’est sûr. De toute façon, si tu fais un top 4 au Championnats du Monde tu peux que y aller pour chercher une médaille. Là ça fait 3 ans qu’on travaille ensemble. Quand on aura 4 ans derrière nous on sera encore plus fort.
Faut pas oublier que c’est un triathlon, l’expérience de se connaître l’un l’autre c’est super important.
Y a des pays qui vont faire l’erreur d’aller chercher d’autres guides pour les JO. Même si ils sont très performants individuellement sur le papier, il manque l’expérience à 2.
Et le classement se joue sur la performance du jour mais aussi sur les erreurs des autres ! Et nous aujourd’hui on arrive à ne plus faire d’erreurs…
Antoine : On sera encore plus performants, c’est sûr.
Olivier : Nos courses en 2020 ce sera Abu Dhabi enMars [ITU Paratriathlon World Cup le 7 et 8 Mars, NDLR], après c’est le flou. On a le calendrier avec les Coupes du Monde mais l’Australie on n’ira pas car on va au Qatar 1 semaine plus tard.
Ensuite y a la Floride… mais si on n’y va pas on aura couru qu’une seule fois avant les Championnats du Monde … Nicolas [NicolasBecker, sélectionneur de l’équipe de France de Paratriathlon, NDLR] aimerait qu’on court que Abu Dhabi. Après discution avec Antoine on fera sûrement une 2ème course avant Milan.
Antoine : Revenir en France après Abu Dhabi et repartir en Floride ça fait beaucoup au niveau décalage horaire donc à voir… Faut bien réfléchir, ça reste stratégique.
Olivier : Ou dans l’autre sens faire l’Australie avant Abu Dhabi… Nicolas nous donnera son avis, on lui fait confiance.
Qu’est ce qu’il reste à améliorer pour atteindre vos objectifs ?
Olivier : Aujourd’hui la natation d’Antoine est très perfectible.
Antoine : Je nage comme un caillou quoi !
Olivier : Il est pas assez relâché alors qu’il a une super condition physique. Faut que moi je prenne le temps d’être sur son dos pour qu’il progresse, faire plus d’exercices. Avec plus de temps ça sera plus intéressant.
Moi je suis focalisé sur cette saison donc en terme de niveau je vais me focaliser sur cette distance, je vais axer ma prépa là-dessus. Être très très fort sur 20 km à vélo et être suffisamment frais pour la course à pied.
Qui est votre coach ?
Olivier : Ma philosophie c’est que le meilleur coach que tu puisses avoir c’est celui qui te connait le mieux. Je connais Antoine depuis 3 ans, je suis son coach et puis je demande aussi des avis extérieurs dès que je peux. Par exemple à ma femme, au staff technique, à Nicolas Becker ou à Philippe Fattori. Je prends les avis des autres.
Et toi Olivier, tu n’as pas besoin d’un coach ?
Olivier : Moi y a personne qui me connait mieux que moi-même ! Je m’entraîne aussi avec un mystérieux athlète dans le Nord (il n’aimerait pas que je donne son nom) qui a fait 8h30 sur IronMan, il se reconnaîtra… Il m’aide beaucoup, nos débats sont hyper constructifs.
Quels entraînements faites-vous seuls ?
Antoine : Sur home trainer je m’entraîne tout seul. D’ailleurs Olivier a acheté un home trainer connecté pour m’envoyer les séances directement et je pourrai m’entraîner tout seul en autonomie.
Olivier : Ça, ça peut tout changer pour notre duo car ça permet de s’entraîner plus « juste ». Il aura les séances précises avec les bons indicateurs. Il ne travaillera plus aux sensations mais il sera plus précis. Et sinon c’est Antoine le coach en PPG, moi j’aime pas ça !
Antoine : En venant de l’athlé j’ai toujours fait de la PPG, pour prévenir des blessures, préparer la saison qui va être intense. J’aime bien me mettre quelques séances sur plusieurs semaines pour savoir que ça va me faire du bien sur la suite de la saison.
On va passer aux questions à la con ! En mode émission « Les Z’Amours »
Antoine, quel est le dessert préféré d’Olivier ?
Antoine : Un café gourmand.
Olivier : Je valide !
Olivier, quel est le dessert préféré d’Antoine ?
Olivier : Lui c’est mousse au chocolat.
Antoine : J’aime pas le chocolat ! Non je déconne c’est bon ça !
A
la maison, il est plutôt :
– Ordonné, il classe même les conserves par ordre alphabétique
– Désordonné, il ne trouve jamais rien
– Maniaque, il a presque des TOCS
Antoine : (à propos d’Olivier) C’est le bordel ! Il cherche 10 fois sa CB, son téléphone, sa veste, sa casquette… ! Mais bon il essaye quand même de ranger ses affaires et à la fin c’est quand même le bordel !
Olivier : (à propos d’Antoine) Il est ordonné, sa carte de chambre il sait où il la pose, en général il fait très attention, il sait où il met ses affaires.
Si vous deviez lui donner le nom d’un plat, ça serait plutôt :
– Salades et crudités, ça croustille mais ça met du temps à digérer
– Lasagnes, plein de couches surprises à découvrir
– Gigot d’agneau et purée, à l’ancienne mais indémodable
Antoine : (à propos d’Olivier) Lasagnes !
Olivier : (à propos d’Antoine) Lasagnes !
Quel est le rituel d’avant course d’Olivier ?
Antoine : Toucher le moignon de Gwladys !
Qu’est ce que tu ne supportes pas chez Antoine ?
Olivier : Honnêtement si je supportais pas un truc je me serai déjà barré depuis longtemps. Je suis sassez franc, je me force pas à supporter Antoine, y a rien qui me vient à l’esprit là…
Peut être ses cheveux qui trainent partout !!
Qu’est ce qui fait rire Olivier ?
Antoine : Quand je me prends un poteau ou que je loupe une marche !
Olivier : L’année dernière à l’INSEP il s’est pris la porte pour aller à la cryo, j’en ai encore mal au ventre tellement j’ai ri !
De quoi a peur Antoine ?
Olivier : Des requins, dès qu’on s’éloigne un peu en pleine mer il tape un sprint pour revenir.
Qui prend toute la place dans le lit ?
Antoine : On dort pas dans le même lit !!
Olivier : On la fait qu’a Montluçon j’ai mal dormi d’ailleurs cette nuit-là !
Antoine : Ouais moi aussi !
Qui partira avec vous à Tokyo ?
Antoine & Olivier : Femme et enfants !
L’objet qui ne vous quitte jamais ?
Antoine : Ma canne c’est déjà pas mal ! Et Olivier !
Olivier : Mon téléphone portable j’avoue que je suis souvent dessus.
Le dernier mot ?
Antoine : « Fais de tes rêves une réalité »
Olivier : Pour tous les 2, « Tout donner pour ne rien regretter ».
On rentre dans la dernière ligne droite avant les JO. Pour moi y en aura pas d’autres. Paris je serai trop vieux, 2024 ça me parait trop loin. Mais je continuerai après Tokyo.
Le plaisir reste un gros facteur de réussite et de performance. Et on s’organise à toujours prendre du plaisir sur nos séances.
2019 :
- 2ème à la Coupe du Monde de Funchal, Portugal en Octobre 2019
- 3ème aux Championnats d’Europe de Valence, Espagne en Septembre 2019
- 4ème aux Championnats du Monde de Lausanne, Suisse en Septembre 2019
- Vainqueurs au Championnats de France à Montluçon en Septembre 2019
- Vainqueurs à la Coupe du Monde de Magog, Canada en Juillet 2019
- Vainqueurs à laCoupe du Monde de Besançon, France en Juin 2019
2018 :
- 2ème à la Coupe du Monde de Funchal, Portugal en Octobre 2018
- 2ème aux Championnats de France à Gravelines en Septembre 2018
- 2ème à la Coupe du Monde de Lausanne, Suisse en Août 2018
- 5ème à la manche de Coupe du Monde de Iséo, Italie en Juin 2018
- 4ème à la Coupe du Monde de Besançon, France en Juin 2018
- 5ème à la Coupe du Monde d’EtonDorney, UK en Mai 2018
- 9èmede la Coupe du Monde de Aguilas, Espagne en Mai 2018
2017 :
- Vainqueurs de l’Open du Championnat du Monde à Rotterdam en Septembre 2017
- 2ème aux Championnats de France à Gravelines en Septembre 2017
- 3ème à la manche de Coupe du Monde de Iséo, Italie en Juillet 2017
- 2ème à la manche de Coupe du Monde de Besançon, France en Juin 2017
Les partenaires du Tandem Pérel – Lyoen : Grade 9 Titanium Bikes, Hoka One One, Dare2Tri et l’association Mon’A pour qui ils sont parrains .
Crédits photos : Steffen Hoffmann, Nelson Martins, Pierre Froger, Marco Bardella, Tommy Zaferes, Christophe Guiard, Sebastien Libicz.