Nous sommes à Embrun, il est presque deux heures du matin, un imbécile en slip sort sur son balcon et pousse un cris dans la nuit. Personne ne répond à son écho mais il s’en fou, il fallait que ça sorte car ce fut la course la plus dure de sa vie… de supporter !
Une heure trente plus tôt, j’ai les yeux rivés sur le couloir douze de la France. C’est Léonie qui part en première. Au moment du départ, le réalisateur Nippon décide de conserver un plan large. Je ne quitte pas ce couloir des yeux et après à peine dix coup de bras, je vois avec effrois Léonie littéralement « reculer » après s’être frottée avec l’athlète qui était sur sa gauche… C’est parti pour une heure vingt d’une course poursuite angoissante, je le sais… Bien avant que les filles du premier relais ne sortent de l’eau…
Le relais mixte, c’est un format de dingue où l’objectif est assez simple : ne jamais sauter ou le plus tard possible. Un course par élimination en fait et sur ce premier relais, Jessica Learmonth va s’appliquer à commencer cette entreprise de démolition avec appétit et talent pour le plus grand malheur de nos bleus. Elles sont trois à l’Anglaise : Kingma, Zaférès et Lindeman. Et derrière, une dizaine de filles, tandis que Léonie, sortie quatorzième encore plus loin semble piégé… C’est fini, je pense que ça va creuser dès le bike et que jamais nous ne pourrons revenir. Pourtant, après moins de deux kilomètres, Léonie est de retour dans le groupe de chasse. Je ne sais pas trop par quel prodige mais peu importe, je retrouve la foie… C’est le premier ascenseur émotionnel de la nuit mais pas le dernier !
La France passe le relais cinquième à 25 secondes, quasi l’écart à la sortie de l’eau. Je me dis que c’est un petit miracle et surtout, grâce à la grosse partie pédestre de Léo, Dorian dispose d’un petit matelas sur Marten Van Reel, l’un des plus gros rouleurs du circuit. Et c’est un Dorian des grands jours qui va à son tour faire un relais de folie en suivant le TGV Belge puis en le devançant sur la course à pieds. Toujours cinquième, les bleus sont à porté de fusil des hollandais, des allemands et pas si loin des Américains. Seul, les Anglais, mit sur orbite par un fantastique Johnny Brownlee (meilleurs chrono de la journée ) semblent hors de porté même s’il n’est jamais facile d’être isolé trop tôt sur ce genre d’épreuve…
C’est au tour de Cassandre. Elle fend l’eau pour reprendre Knoll et Klamer et sort même juste dans le sillage de Taylor Knibb. Une transition éclair plus tard, elle prend la roue de celle qui est sans doute l’une des meilleures rouleuses du circuit… Je suis debout sur le canapé, le scénario est parfait, la médaille est possible et même l’or car le duo sous l’impulsion de la jeune américaine, revient sur une Giorgia Taylor Brown, jamais trop à l’aise lorsqu’elle ouvre la route ( pour ceux qui ont de la mémoire, se souvenir du test event il y a deux ans…).
« Reste derrière, relance, ne la lâche pas Cassandre… ». La Française tient dans un premier temps, puis cède sur un demi tour… Et je tremble lorsque la tricolore se laisse rattraper par le groupe de chasse et se met immédiatement à l’arrière de celui-ci… Mais ça tient jusqu’à T2. Ouf ! Avec sa CAP toujours aussi magique de fluidité, Cassandre se débarrasse de Knoll et, plus étonnant, de Rachel Klamer. Nous sommes troisième à l’entame du dernier acte… Alex Yee à une belle avance, mais Morgan Pearson est juste quelques secondes devant Vincent Luis… Tout est possible, faites vos jeux ! Alex semble fébrile, Vincent revient sur Morgan Pearson pour sortir avec puis le met au supplice sur le début du vélo… De toute évidence, l’Américain sera inutile à Luis sur la partie cycliste… Clairvoyant, le double champion du monde met une mine à s’en faire péter les cuissots pour faire sauter l’américain puis récupère Yee et tente de l’enrhumer au passage. Je suis surexcité et subjugué par la manoeuvre de Vincent et crois un instant que le frêle anglais n’aura pas les watts pour suivre. Mais Yee, c’est du talent à l’état pur et il s’accroche, mettant par la même le français dans une situation délicate : il faut rouler pour ne pas que Pearson, tout proche, recolle, mais comment faire avec Yee qui se sait le plus rapide des trois en cap et qui, échaudé par l’attaque, se contente de suivre… Vincent décide de maintenir la pression et de faire le deuil de l’or… Mais Pearson, lui aussi, à plus de watts que prévu et ne perd presque rien sur la fin du vélo… Ca va être chaud !
Dès T2, Yee s’envole de sa merveilleuse foulée légère et les six petites secondes de Vincent paraissent bien maigres face à l’Américain qui a fait la course individuelle dimanche « avec le frein à main » dès lors qu’il avait compris qu’une bonne place était perdu… Il met un peu moins d’un kilomètre pour repasser Vincent pendant qu’Alex peut savourer ses derniers mètres.
Angleterre / USA / France… Un podium de rêve, une course de folie, j’en peux plus… Je suis heureux, ému et fier. Pour l’équipe… Pour Léonie évidemment… J’ai une pensé pour Léo Bergère, pour Pierre Lecorre et Emilie Morier… Mais aussi pour tous les Olympiens français depuis vingt ans : les Olivier Marceau, Fred Belaubre, Isa et Béa Mouthon, Carole Peon , Audrey Merle, Steph Poulat, Carl Blasco, Stephane Bignet, Tony Moulay, David Hauss, Jessica Harisson, David Hauss, Christine Hocq… Et surtout… surtout… Laurent Vidal.
Que d’émotions cette nuit en suivant tous ces champions qui ont absolument tout donné. Je n’avais jamais vu une telle intensité sur une épreuve depuis que je suis ce sport.
Merci… et rendez vous à Paris !