Depuis la publication de notre texte parlant des problèmes et des déboires de Triathlon Canada, même si nous pensions avoir été assez clair en disant qu’il fallait avant tout comprendre pourquoi les athlètes étaient autant remontés contre l’institut national, on a reçu plusieurs communications qui semblent vouloir nous discréditer. On n’aurait pas assez d’éléments pour comprendre.
Le milieu de la haute performance divise par définition. Le cours des événements est interprété par chacun selon ses intérets et ses connaissances. L’opinion publique va toujours pencher pour l’individu avant le système. La vie nous a prédisposé à mettre en doute les dirigeants.
Donc, on peut vous assurer qu’on a reçu plusieurs témoignages et que cela va véritablement dans toutes les directions. Alors on a continué à creuser. Que cela vienne du camps de la fédération ou des athlètes, il y a clairement une frustration à ce que les dossiers ne soient pas publiques.
À titre d’exemple, le tweet de Matt Sharpe. On vous invite à lire ses réponses. L’athlète Canadien se dit à nouveau déçu du communiqué de Triathlon Canada qui refuse de mentionner les importants détails dans le sommaire des décisions de cette investigation indépendante.
Beyond disappointed—again. Today’s statement from @triathloncanada neglects to mention important details from the Summary of Decision in this independent investigation. https://t.co/lWyOefcUiF
— Matt Sharpe (@mdshrp) August 13, 2021
Selon Matt Sharpe et démenti par TC, le coach a été réprimandé des infractions des sections 7(a) and (b), 9 (a), (g) et (m) du code éthique de Triathlon Canada, Code de conduite et éthique. Vous pouvez avoir accès au document ici.
Qu’est-ce que cela implique, pour résumer, la section 7 évoque la dignité de l’athlète et le respect, cela signifie qu’un coach ne doit jamais rabaisser un athlète. Le coach doit éviter la critique publique et se limiter à des commentaires et non des critiques. Démontrer un esprit sportif…
Le point B est plus que majeur, le coach doit s’abstenir de tout comportement qui constitue du harcèlement, au travail, sexuel, et violence ou discrimination.
La section 9 parle avant tout d’un environment sécuritaire qui doit être adapté en fonction des aptitudes de chacun.
Dans tout cela, il y a plusieurs problèmes. Lorsque Triathlon Canada a publié le communiqué, le nom du coach et de l’athlète était anonyme. Pourquoi?
On a donc commencé à rechercher des explications. Première info, l’accident a eu lieu en février 2020, Matt Sharpe a quitté le groupe en avril 2020, la plainte a été déposée en aout 2020 et le verdict a été publié en juin 2021. Tout ce dossier est donc apparu durant le processus de sélection olympique pour Tokyo.
Safe Sport est un processus indépendant, lorsque une plainte est initiée, elle est attribuée à un officier indépendant. Seul le CEO de la fédération peut recevoir des informations durant l’investigation. Cela signifie que les autres employés de Triathlon Canada ne sont pas informés de la procédure. Dans le passé, on sait qu’une structure peut protéger des athlètes problématiques (ex: Gymnastique USA).
Par contre, Safe Sport peut demander des témoignages comme ceux des athlètes. À nouveau, tout doit être fait sous le secret pour éviter tout préjudice ou intimidation d’un éventuel témoin.
Lorsque le verdict est donné, Triathlon Canada a simplement appliqué les directives. Lorsque j’ai questionné des employés de Triathlon Canada, ils ont à nouveau confirmé que l’enquête n’avait trouvé aucune raison de croire qu’il y avait eu de l’abus ou de l’harcèlement.
À leur charge, la structure fédérale, n’a jamais publié le document « raisons pour décision » qui a entrainé des interprétations.
Matt Sharpe étant conseillé par un avocat, comment est-il possible d’évoquer publiquement les sections 7 (a) et (b) dans le jugement contre Jonathan Hall. Est-ce que Matt Sharpe avait le droit de révéler l’identité?
Ce que nous avons compris, c’est tout simplement que les employés de Triathlon Canada ne peuvent pas parler publiquement contre ses athlètes. Cela signifie qu’il est impossible pour eux de s’expliquer publiquement. La seule voie possible est donc de passer par une procédure judiciaire et rentrer dans un exercice qui sera incompris par l’opinion publique.
Il y a clairement quelque chose qui ne marche pas parce que la sanction est tout simplement trop légère face aux faits reprochés (atteinte à la dignité) et il parait logique que Matt Sharpe se sente floué. Et puis Triathlon Magazine Canada a publié ce texte ou le triathlète Canadien rentre plus dans les détails.
Comme le mentionne l’article, Sharpe avait demandé que Jonathan Hall soit suspendu 6 mois.
On peut enfin mettre le doigt sur ce qui est reproché. Voici un extrait.
L'un des principaux problèmes soulignés dans le document des motifs de décision était un incident qui s'est produit lors d'un camp d'entraînement au Portugal l'année dernière. Sharpe et un autre athlète ont été impliqués dans un accident alors qu'ils faisaient un entrainement "moto pacing" derrière un nouvel entraîneur avec lequel ils n'avaient jamais travaillé auparavant. Sharpe a fêlé son casque et saignait après l'accident et on lui a dit plus tard de continuer l'entraînement. Après avoir refusé de continuer, Sharpe a ensuite été sanctionné par Triathlon Canada.
Effectivement, exiger de continuer un entrainement après une chute est scandaleux. Dans tous les cas, un athlète devrait avoir le droit de stopper une session s’il en ressent le besoin. Notons un aspect très important, cela n’est pas Jonathan Hall mais Ben Wilson qui était le coach en présence. À lire sa biographie, Ben est impliqué dans le vélo depuis plus de 30 ans. Il a même gagné le titre mondial master en 2009. Cela n’est pas un débutant.
"Je suis troublé qu'il n'y ait pas eu de protocole sur les commotions cérébrales en place et que la direction de l'entraîneur était de continuer", a écrit Russell Gregory dans la décision. « Cela devient encore plus troublant lorsque le plaignant (Sharpe), à la demande de l'intimé (Hall), est sanctionné pour négligence en quittant le site de l'accident. Un casque fissuré et du sang appellent une attention immédiate pour ne pas rouler dessus pour évaluer - traverser une douleur évidente dans ce contexte n'était clairement pas la bonne ligne de conduite. »
À nouveau, il est effectivement problématique qu’il n’y ait pas de protocole et par ce fait, l’exigence de Safe Sport à ce que Jonathan Hall suive une formation sur la procédure pour détecter une commotion est totalement normale. Dans les faits, on ne comprends pas pourquoi on n’évoque jamais le nom de Ben Wilson, puisqu’il était le coach présent lors de l’accident.
Selon nos informations, Ben Wilson n’a jamais été contacté par Safe Sport.
Matt Sharpe a tout de même quitté les lieux. Il est aussi le mieux placé à savoir s’il a subit une commotion ou pas. Par ce fait, on retombe dans le paradoxe. L’athlète est sanctionné par sa fédération parce qu’il a quitté le site de l’accident.
En lisant ces éléments, on se dit à nouveau que le 5 jours de suspension et la formation ait finalement du sens.
Sharpe avait demandé à ce que Hall soit suspendu pendant six mois, Gregory (officier indépendant) n’était pas disposé à suspendre Hall aussi longtemps.
Oui mais… on retombe a nouveau dans le fameux débat de la haute performance. La fédération doit suivre des objectifs fixés par le gouvernement. Les budgets reçus par les fédérations sont en fonction des projections de médailles. C’est un objectif qui est pourtant très bien défini et qui demande un engagement par les athlètes.
Le « carding » est justement une expression du mandat.
On le répète à nouveau, ces objectifs doivent être révisés pour la santé mentale de athlètes. On ne valorise que ceux qui gagnent des médailles et cela vient mettre tout un entourage sous une pression ingérable à long terme.
« L'environnement était un environnement dans lequel les athlètes, y compris le plaignant, craignaient les réactions de l'intimé », a écrit Gregory. « L'intimé lui-même a fait un certain nombre d'observations au sujet du plaignant qui témoignent de son attitude de plus qu'une simple frustration, une attitude qui considérait le plaignant comme paresseux, doux, un touriste de triathlon, pas un très performant. Ce sont des opinions sur le caractère du plaignant que les témoins ont remarquées et qui se sont manifestées en distinguant le plaignant, en le traitant de manière condescendante et injuste.
Ce que ce passage exprime est que le milieu est exigeant et extrêmement compétitif. Matt Sharpe est désormais un vétéran dans le sport, il est passé par le squad international de Jamie Turner. Ce coach qui était Gwen Jorgensen était reconnu pour très exigeant.
Si Triathlon Canada a sa structure avec son propre centre, les athlètes sont libres (en théorie) de s’entrainer avec d’autres coachs canadiens. On peut présager que les athlètes avaient la crainte qu’en quittant la structure, ils seraient désavantagés dans la sélection olympique. D’aprés notre compréhension, Jonathan Hall n’était pourtant pas impliqué dans le processus de sélection.
Matt Sharpe avait rejoint le groupe pour le cycle Tokyo. Il l’a quitté en Avril 2020 et il travaille depuis avec Lance Watson.
Et à nouveau, on retombe dans un autre débat, comment un coach doit s’exprimer quand le constat est que l’athlète ne sera pas un futur médaillable ou que le travail n’est pas fait où à la hauteur des exigences.
Comment doit-il exprimer sa frustration? Comment intervenir sans se compromettre?
On a parlé avec un grand nombre de coachs durant les dernières semaines. Ils ont tous exprimé des très grandes craintes sur la nouvelle génération d’athlètes.
Selon leurs dires, elle n’accepte plus la critique, les médias sociaux donnent une fausse image de l’athlète. L’élite tombe fréquemment dans les excuses. Elle est fréquemment surprotégés par son entourage. Est-ce que c’est au membre de leur famille à prendre la parole? Évidemment qu’ils souhaitent le mieux pour leurs enfants, mais leur lien rend par nature la discussion biaisée.
Avec les récents développements, on voit de nombreux athlètes critiquer la fédération.
Un coach m’a dit, ce sont toujours les mauvais étudiants qui réclament des corrections de notes. Ce n’est jamais l’inverse. Il m’a aussi parlé du grand danger, de plus en plus les structures sont menacées de traiter tous leurs athlètes de la même manière. Cela signifie qu’un athlète qui termine en fin de peloton devrait recevoir autant que celui qui est sur le podium. Est-ce vraiment possible.
On peut donc parler d’une lutte entre Triathlon Canada/Jonathan Hall et ses athlètes, mais la problématique est universelle et exclus les difficultés à gérer des individus. Un athlète peut s’avérer insécure, prédateur, tricheur, paresseux, refusant ses responsabilités… Ces traits ne sont pas vendeurs pour les médias. On ne veut pas caricaturer l’athlète pour autant, mais il ne faut pas être naif. L’athlète ne comprend pas toujours que le premier adversaire à battre, c’est lui.
Comme le mentionne l’article de Triathlon magazine Canada, Jonathan Hall subi plusieurs enquêtes et c’est malheureusement l’histoire qui se répète.
Ce qui est troublant, c’est que lorsque l’athlète quitte son groupe, l’athlète semble avoir une rancœur sur du très long termes. Même des athlètes qui n’ont jamais été sous ses ordres se joignent au mouvement de contestation. Est-ce que cela serait le cas s’il n’était pas à la tête d’un groupe appartenant à une fédération?
À nouveau, il faut se rappeler de deux aspects, Jono ne peut pas s’expliquer publiquement sur ses raisons. S’il le faisait, cela serait perçu comme une attaque à la dignité de l’athlète.
Est-ce que Jonathan Hall est exigeant, il n’en fait aucun doute et un athlète qui a de l’ambition devrait justement rechercher en ayant des hautes exigences.
Est-ce qu’il faut faire le procès de Jonathan Hall et de triathlon Canada où des exigences?