Nous vivons actuellement dans une époque morose où on est constamment appelé à la sobriété. Il faut réduire nos impacts sur nos gestes quotidiens, une prise de conscience qui vient remette en question la valeur de tout. D’ailleurs, c’est ce fameux contexte économique qui aura eu raison de Kona. Les frais pour organiser les courses explosent, le prix du matériel aussi, une paire de chaussure compétitive vient de passer de 120 euros à 300 en quelques années. Chose certaine, face à cet impact financier, plus que jamais, les pratiquants se questionneront sur ces choix. Sommes nous entrain d’atteindre la limite fatidique?
Écoutez-moi bien, que cela soit les différentes organisations où l’industrie du matériel du sport, embrasser une subtile force de sobriété serait synonyme du baiser de la mort.
Pour illustrer parfaitement cette déconnection, la Super League vient d’annoncer les dates pour sa série Zwift Arena. C’est quoi, des courses ou l’on court sur un tapis roulant, ou on roule sur son home-trainer et ou on nage… dans une piscine. En gros, c’est l’outil de Zwift pour rappeler que vous pouvez aussi courir sur leur plateforme virtuelle. C’est un enjeu important pour eux afin d’attirer beaucoup plus d’adhérents. Malheureusement pour eux, c’est un tel flop total que le service « course à pied » reste gratuit.
Il en demeure que Michael D’hulst y voit le futur et projette de voir cette formule aux Jeux Olympiques… Marisol Casado, présidente de World Triathlon parle d’une formule innovante qui représente l’esprit du triathlon…
Soyons sérieux 2 secondes, cette formule est associée avant tout avec la COVID…
Enfin voilà, accroche toi bien à ta chaise, pour faire des courses sur une plateforme virtuelle, une vingtaine d’athlètes vont faire le tour du monde pendant un mois. Débutant par Montréal (Canada), ils se dirigeront ensuite vers la Suisse, puis Singapour, pour finalement terminer leur périple à Londres. Tout cela en 8 semaines, entre 25 février et le 8 avril. Sur un plan personnel, la venue des meilleurs triathlètes courte distance à Montréal est ressenti comme un plaisir coupable. Comme si cela n’était pas assez avec sa série mondiale et son 70.3 le même week-end.
Bon voyons le coté positif de la chose, cela permet au triathlon d’avoir un peu d’actualité et de visibilité, malheureusement, si l’amateur à déjà du mal à s’intéresser aux courses, voir quelqu’un courir sur un tapis ou rouler sur un vélo, disons que cela est terriblement immatériel.
Autre aspect positif, cela permet à des athlètes de se remplir les poches et d’obtenir un brin d’indépendance face à sa fédération, mais cela reste un pacte avec le diable, passer son temps en avion, gérer des décalages horaires, c’est la meilleure façon de manquer sa préparation hivernale.
On a toujours le sentiment que nos meilleurs triathlètes sont pris en otage dans un projet aux objectifs mercantiles. Tu signes un pacte avec le diable et en deux claquements de doigts, tu te retrouves à courir en Arabie Saoudite où il n’y a même pas assez de routes…
Depuis plusieurs années, il existe le label éco-responsable sur les triathlons, parce qu’il y avait déjà une conscience que tout cela n’avait plus de sens, la multitude de plastique, de gobelets, du nombre de bénévoles qui doivent se déplacer en voiture aux évènements….
Et de l’autre coté, on a la Super League qui va faire le tour du monde pour faire des courses en virtuel!!!! On ne se déplace même plus pour un cadre, un climat, même pour un tapis et un home-trainer.
C’est encore plus ironique parce qu’il serait possible de faire des vrais triathlons indoor comme a Liévin, ou pour les plus vieux, le triathlon de Bordeaux sur le vélodrome.
Tout cela vient d’éveiller en moi la problématique du bilan carbone. Pas la peine de me traiter de woke. Il n’est pas question de juger celui qui ira à Kona… mais il faut bien faire la différence entre le nécessaire et le totalement superflu. Aller à Singapour pour faire du triathlon sur des appareils alors que le climat vous permet de le faire dehors. C’est totalement irresponsable et de plus tout cela vient mettre un coup fatal aux courses légendaires en Australie et en Nouvelle Zélande.
Y aura t’il une prise de conscience un jour sur le bilan carbone? On rêve d’un athlète évoquant ce sujet, ou d’une organisation qui aurait le mérite de compenser les émissions. Un moindre geste afin de ne pas être totalement déconnecté face à nos réalités.
On se questionne souvent pourquoi le triathlète élite est a ce point si apolitique, on va l’aimer parce qu’il va se mettre torse nu pour regarder les courses du sexe opposé. On a des organisations qui les poussent à faire dans la réthorique du trash talk…
Un élite qui évoquerait son amour de la nature, le besoin de la protéger, évoquer subtilement sa prise de conscience en réclamant l’ arrêt des aller-retour entre les différents continents. Cela serait déjà un grand pas pour l’humanité triathlétique.
Est-ce que je vais regarder ces courses? Probablement oui et c’est tout le paradox.