World Triathlon (ex: ITU) a récemment mis à jour son livre de règlement. L’organisation a comme principe d’apporter des changements que sur une base annuelle, comme vous allez pouvoir le lire, cela vient créer des complications assez importantes en terme de sécurité et d’équité entre les athlètes.
Il y a plus de trois ans, j’ai eu la chance de travailler avec le département innovation de New Balance, l’un de ses acteurs m’avait partagé qu’il croyait énormément dans la commercialisation de chaussures illégales. Incrédule, je lui demandais pourquoi, et il me répondait logiquement, parce que cela va beaucoup plus vite, et que c’est incroyablement le fun. Mais au fait, pourquoi les super chaussures marchent autant? Tout simplement parce que la tige en carbone permet de créer une forme avec effet chaise berçante, la rigidité du carbone permet de créer un équilibre avec une mousse ultra légère et absorbante. Vu le succès sportif et la popularité, beaucoup en veulent encore plus.
Sachant que plusieurs marques sont bien allées de l’avant avec des modèles illégaux selon la réglementation de World Athletics, à l’approche de Kona, j’ai tout de suite échangé sur le sujet avec le journaliste Tim Heming. Est-ce que certains pourraient tenter leur chance en utilisant des chaussures avec une semelle de plus de 40 mm. Après tout, Daniela Ryf a bien couru avec une wetsuit illégale pendant deux ans. Un modèle dont la commercialisation s’est arrêtée il y a plus de 10 ans. Lors de la poussée, des parties s’ouvrent pour augmenter la surface de poussée. Tout cela a créé une sorte de jurisprudence puisqu’elle n’a pas perdu ses bourses, ni ses victoires, juste un blâme. Moralement, cela reste à débattre, encore plus lorsque la suissesse s’était engagée avec une autre marque de wetsuit.
Revenons à Kona, j’ai questionné plusieurs coachs en ITU. Si la réglementation sur les chaussures étaient en place, rapidement, je suis tombé dans les 12 travaux d’Asterix. Personne ne s’est vraiment questionné parce que tous pensaient que c’était logiquement le cas. L’ITU suit généralement les règlementation des organisations de ses trois sports.
Ajouter à cela le fait qu’Ironman, organisation privée, se garde une liberté. S’il y a eu un rapprochement entre l’ITU et Ironman afin de partager le même livre de règlements, il y a de nombreuses variantes sur le matériel, les distances de drafting et plus qui peuvent changer selon les courses. Dans certains cas, cela devient même politique afin de s’afficher comme un agent du changement face au drafting avec des distances rallongées (PTO).
Kona passe et on remarque rapidement que Gustav Iden portait bel et bien une chaussure prototype de On Running. On parle d’une chaussure éléphant tellement la semelle est haute. J’informe Tim Heming, il fait rapidement une enquête. Gustav Iden a tout fait dans les règles en demandant l’autorisation d’utiliser ses chaussures. À l’instar des Jeux Olympiques où les athlètes se réservent une carte surprise, Iden a su être le plus malin tout en étant dans la légalité. Est-ce que ce choix a une influence sur le résultat final? Il faudrait faire des études sur ce sujet, mais ce qui est certain, c’est que cela vient placer psychologiquement l’athlète dans une position de contrôle.
Moralement, on fait bien face à un contournement d’une règle, d’autant plus que le modèle en question n’est pas commercialisé. World athletics a très bien compris cette problématique d’équité. Culturellement, le triathlon n’a jamais voulu trancher sur le sujet, et l’effet sur l’accessibilité du sport est énorme.
Donc, à notre grande surprise, Ironman ne pouvait tout simplement pas lui interdir parce que l’ITU n’a jamais statué sur le sujet. Depuis 2020, un comité était soit disant sur le sujet, à première vue, on se demande pourquoi? Comment l’ITU aurait il pu justifier avoir des règles différentes sur ce sujet?
Moralité, quelques semaines plus tard, on a vu les deux gagnants d’Ironman Israel sur des chaussures Illégales. Le mot s’est bien passé et si Ironman ne fait rien, l’Adidas Prime X risque fort de devenir la chaussure la plus populaire sur le circuit.
Médiatisation du problème ou pas, l’ITU a finalement revu sa copie lors du dernier colloque et vient de s’aligner sur la réglementation de World Athletics. Pour Ironman, aucun mot officiel encore. Selon la rumeur, l’organisation privée s’alignerait sur l’ITU mais il existe tout de même un doute puisqu’à l’image des vélos, il est logistiquement impossible de vérifier le matériel de chacun. Et il y a aussi une opportunité commerciale. Comme les vélos non conforme UCI, cela pousse certaines marques à se démarquer en offrant des modèles utilisables uniquement en triathlon. Elles doivent alors investir plus dans le milieu. Des marques de chaussures pourraient aussi sentir la bonne affaire.
Cette situation s’avère particulièrement intéressante parce que cela n’est pas la première fois que les norvégiens profitent des failles des règlements. Un autre sujet qui a été observé par une poignée de spécialistes, les mini barres en triathlon avec drafting.
Le mini barre ont eu le droit a un va et vient en terme de popularité sur le format de la série mondiale. Alistair Brownlee n’était pas un grand fan de ce périphérique et il était pourtant le plus dominant à vélo, référence sur deux roues, les extensions étaient vues comme un truc alourdissant le vélo et pas nécessaire face à des parcours plus techniques. Puis une étude australienne avait chiffré les avantages et cela avait permis de remettre à l’avant les mini-barres. Cette règle était déjà problématique parce qu’elle négligeait les différences de gabarits. Celui qui a des plus petits avant bras est avantagé puisque les manettes de freins sont standardisées
Le point faible de ses extensions, c’est qu’elles sont très courtes et ne permettent pas d’avoir une position plus allongée pour bien des athlètes puisque la réglementation se limite à ne pas dépasser les manettes de freins.
Et puis il y a eu l’ingéniosité de Uniqo custom. Inspiré par des détournements des règles déjà observé en piste, l’atelier espagnol s’est demandé comment détrousser les limitations en terme de longueur. La réponse fut assez simple, placer le compteur vélo le plus haut et le plus loin possible. Une seconde solution est aussi apparue, en changeant l’angle des poignées. Une dernière, celle de Blummenfelt a été de rajouter une pièce en plastique sur le haut pour créer une surface d’appui entre les bras. Dans certains cas, Les doigts ne tiennent plus les extrémités, c’est la paume qui est en appui, et dans certains autres, les mains ne tiennent plus rien. La sécurité est tout simplement altérée.
Ces solutions permettent à L’athlète d’être moins limité et de tenir une position plus aéro. L’avantage est énorme pour un athlète qui se retrouve dans un groupe restreint et qui est appelé à prendre plusieurs relais. Il sauve de l’énergie et va plus vite.
Lors des JOs de Tokyo, elles ont fait leur apparitions chez les favoris. Évidemment, cela venait totalement à l’encontre de l’esprit sportif et sécuritaire. D’autant plus que ces extensions sont souvent des pièces uniques qui ne sont pas soumisse à des contrôles homologation et test de résistance. La position de Blummenfelt était tout simplement du jamais vu, même en piste, personne n’avait osé prendre ce risque.
Ce qui peut paraitre étonnant, c’est qu’à nouveau, l’ITU n’a jamais pensé que ses élites allaient s’inspirer des mêmes tactiques qu’en cyclisme.
Alors qu’il y a clairement un problème d’équité et de sécurité, et qu’une organisation sérieuse devrait tout de suite prendre les devants, elle attendra 18 mois pour finalement interdir ses extensions. En comparaison, on a déjà vu l’UCI appliquer très rapidement des modifications en réponse à un accident.
On était impatient de lire la nouvelle réglementation pour connaitre sa nouvelle position. L’ITU vient bien d’interdire les « clip-on », mais elle permettra à l’athlète en course sans drafting de poser ses avant-bras sur le guidon.
Petit rappel, l’UCI a fait polémique en interdisant plus les positions. Le simple fait de passer ses avant bras sur son guidon est une disqualification automatique. C’est d’ailleurs arrivé lors de plusieurs courses en world tour.
On doit se questionner pourquoi l’ITU n’interdit tout simplement pas cette position que l’UCI considère comme dangereuse. Elle devrait être très anecdotique sachant que le triathlète qui fait une course sans drafting aura fort probablement des extensions.
Pourquoi la World Triathlon a fait ce choix. On s’est gratté la tête pour trouver quelques raisons valables.
Pour son image, la position du triathlète est une sorte de signature pour le sport triple. Autre raison, tout simplement parce que la fédération ne voudrait pas disqualifier une athlète pour ce geste surtout que cela ne devrait concerner que des AGs.
Mais que ce passe-t-il si durant une série mondiale, un athlète s’appui sur son guidon sachant que cela est désormais interdit. Très probablement que si cela est très court, l’arbitre fermera les yeux, un petit rappel, et une prière pour qu’une fédération ne relève pas la faute, mais selon le livre des régles, il se une pénalité de temps (non connue) sera appliquée.
On en pense quoi de tout cela? Le triathlon perd une de ses spécificités parce qu’elle n’a pas voulu mieux encadrer les mini barres. Il nous parait pourtant très simple de faire la distinction entre celui qui détourne l’intention ou pas de la règle.