Que penser du suivi glycémique dans les sports d’endurance (Partie 2/2)

Résumé de l’article: Les technologies embarquées comme les capteurs de glycémie sont désormais utilisées en endurance. Selon les firmes, ils servent à optimiser les stratégies nutritionnelles et ainsi améliorer la performance. Cet article propose de discuter de l’intérêt de monitorer la glycémie dans les sports d’endurance dans un contexte où les preuves actuelles en termes d’apport en carbohydrates (40 à 75g/h – 1.1g/kg/h …) semblent nombreuses. La littérature scientifique portant sur le suivi glycémique des sujets diabétique à l’effort interroge sur les normes de ces technologies et sur l’interprétation de cette métrique. Les données disponibles concernant les sujets sains ne poussent pour le moment pas les entraineurs et sportifs à adapter leur consommation en carbohydrates aux mesures glycémiques en temps réel. Des perspectives semblent toutefois possibles en récupération

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Apport des données sur les effets de la consommation en carbohydrates


En 2003, le Comité International Olympique recommande d’adopter un régime alimentaire riche en glucides, en particulier si l’effort est supérieur à 60 minutes. Cela sert, entre autres, à reconstituer les stocks perdus à l’entrainement et en compétition. Il est aussi admis que l’apport de glucose durant l’exercice est bénéfique à la performance. Les conclusions des études sur le sujet ne semblent cependant pas toujours unanimes.

Sur les 36 études incluses dans la revue de Jeukendrup (2004) qui étudie l’effet d’apports en carbohydrates durant l’effort sur la performance : 13 révèlent un effet négatif et 23 un effet
positif sur la performance réalisée. Cela pourrait être dû au fait que les protocoles ne sont pas toujours comparables aux situations de compétition ou même entre eux : temps de jeûne avant protocole, quantité de glucose administré, type de carbohydrate, intensité d’effort, choix de test.

Une étude cherchant à comparer l’efficacité d’un apport en glucose (53g/heure) par rapport à un placebo, après 12h de jeûne, sur la performance de marche (45% VO2max) a révélé que l’apport exogène permettait une augmentation de la durée de marche avant épuisement (299 minutes versus 268 minutes). D’autres chercheurs ont également étudié l’effet d’un apport en glucose lors d’un exercice sous-maximal (71%VO2max) jusqu’à épuisement. Le groupe ayant reçu un Polymer de Glycose (100g/h) a pu maintenir
l’intensité d’effort durant 4.02 heures contre 3.02 heures pour le groupe Placebo. Cette intervention a par ailleurs permis de prévenir la chute de glycémie.


Dans une autre étude, l’ingestion d’une solution de glucose à 7% à raison de 41 g/h a également révélé un effet bénéfique sur la durée d’effort jusqu’à l’épuisement pour un effort de course d’intensité supérieure (80% VO2max) : 115.4 minutes versus 92.0 minutes.


L’apport en carbohydrates semble donc être bénéfique pour le maintien des capacités de performance et d’endurance. Cela permet de maintenir un taux élevé d’oxydation, de limiter d’aller puiser dans les stocks existants.

Et en pratique alors? …


Il est alors recommandé de consommer entre 40 et 75 g/h de carbohydrates par heure. Des solutions contenant un rapport glucose/fructose de 0.7-1 :1 permettent par ailleurs une meilleure digestibilité. Des quantités supérieures à 75g/h ne sont pas conseillées. Cela n’augmenterait pas la disponibilité en glucose ou les travaux réalisés n’ont pas permis d’y associer un gain de performance. La consommation de solutions hyperosmolaires ralentit la vidange gastrique et limite la diffusion du glucose aux intestins.


La littérature scientifique fournit donc des indications pratiques quant à la consommation de carbohydrates pour optimiser les performances lors des efforts d’endurance.

L’utilisation du Monitoring Continu du Glucose dans l’optimisation de la performance ne semble en revanche pas avoir été évalué chez des sujets sains.

A ce jour, l’absence de preuve encouragerait donc les professionnels du sport et les athlètes à préférer l’usage des recommandations en termes d’apport en carbohydrates durant l’effort pour optimiser la performance plutôt que celui du monitoring glycémique. Par ailleurs, la littérature portant sur les sujets diabétiques évoque des différences entre les normes de précisions des mesures glycémiques. En 2017, La 10ème Conférence Internationale sur les Technologies avancées et les Traitements du Diabète mentionne l’absence de norme technologique pour les systèmes de mesure en temps réel (Monitoring Continu du Glucose), contrairement aux systèmes de mesure directe de glycémie qui bénéficie d’une norme ISO 15197 largement acceptée. Les systèmes de monitoring continu utilisent donc la différence absolue moyenne pour caractériser leur performance, qui ne sont pas systématiquement soumis à évaluation et ne semblent donc pas encore avoir été testé chez des sujets sains en exercice non plus.

Mesurer après l’effort?


La période post exercice est plutôt favorable au catabolisme. Les stocks en glycogène ont été déplétés, l’insulinémie est basse et le taux de cortisol est haut. La consommation immédiate de glucose permet un shift vers une activité anabolique de reconstitution des stocks en glycogène.

Cette « fenêtre métabolique » existe pendant 1 à 2 heures après un exercice ayant déplété les stocks de glycogène. Le monitoring continu de la glycémie pourrait permettre aux sportifs d’ajuster leurs apports en carbohydrates en fonction de son évolution au fil des heures. Il n’existe toutefois pas de preuve à ce sujet et cela nécessiterait de prendre en compte le délai de mesure qui existe entre le milieu interstitiel et le milieu sanguin.

Monitoring glycémique et Diabète

Les variations glycémiques des sujets diabétiques lors des efforts d’endurance sont plus élevées que chez les sujets sains. L’apport du monitoring continu du glucose a permis d’évaluer les différentes stratégies nutritionnelles et médicamenteuses avant, pendant l’effort mais aussi de constater les conséquences en période de récupération. La réduction du taux d’insuline circulante 60 à 90 minutes avant le départ, associée à une consommation de 40 à 60g/h de carbohydrates aide à réduire le risque d’hypoglycémie à l’effort ainsi que celui d’hyperglycémie post effort chez des cyclistes (temps d’exercice continu compris entre 123 et 244 minutes). Le suivi continu semble donc présenter un certain avantage pour la prévention de complications chez ces sujets pathologiques.

Conclusion
L’apport des techniques modernes de mesures continues de la glycémie à l’effort à la performance ne semble pas avoir été évalué scientifiquement chez des sujets sains. Les recommandations de consommations en carbohydrates (40 à 75g/h) (1.1g/kg/h) sont pertinentes : elles permettent de maintenir un taux d’oxydation musculaire élevé, de limiter la déplétion en glycogène (notamment hépatique) et d’optimiser la disponibilité en glucose. Ces leviers semblent utiles à la performance des sujets sains dans les sports d’endurance. L’outil de monitoring manquant de norme et la littérature étant suffisamment fournie en recommandations, il ne semble pas recommandé de fonder de stratégie sur le monitoring continu de la glycémie à l’effort. De plus amples recherches semblent toutefois nécessaires.

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