Longtemps considéré comme la tête d’affiche du triathlon, Ironman perd actuellement de sa superbe. Comme mentionné dans un récent épisode du trichaud, les chiffres sont très alarmants. Triathlète magazine (US) a récemment compilé les chiffres sur le nombre de participants sur les courses Ironman et 70.3. Ses données compilent uniquement les épreuves du circuit (privé).
Un autre fait très surprenant est le fait que les temps des finissants sont de plus en plus lents. Cela est d’autant plus étonnant avec toutes les avancées technologiques, en entrainement ainsi qu’en nutrition.
Comme le démontre ce graphique, le nombre de participants à un ironman en 2023 représente un peu plus de 50% de son pic de popularité, soit en 2016. Si un fléchissement s’était déjà amorcé, la COVID a tout simplement été fatal pour notre sport.
Depuis le retour des compétitions, notre réalité est bien différente. Sur le calendrier, on a vu de nombreuses majeures disparaitre, comme Ironman Mont Tremblant et plusieurs destinations sont désormais sur le modèle des deux distances 70.3/IM la même journée. Si Ironman arrête certaines, c’est parce qu’elles ne sont plus rentables par manque de participants. De plus, certaines collectivités ont décidé que le retour sur l’investissement n’était plus au rendez-vous.
Évidemment, vous me direz que cela ne ressemble absolument pas à la réalité en France. Dans les faits, l’hexagone a reçu la vague plus tard que ses homologues européens et cela s’explique surtout par la qualité des courses indépendantes sur ses territoires. Du côté du continent Américain, cette offre n’existe tout juste plus, et en longue distance, Ironman a presque un monopole total.
Est-ce que l’heure est grave ?
Oui, parce qu’il y a une certaine ringardisation de notre sport, a-t-il été la saveur du moment ? Est-ce que vous vous rappelez des disciplines comme le CrossFit ou encore Spartan Race? Dans les années 90, on peut aussi se rappeler sport comme le Windsurf qui est désormais presque dans les inaperçus.
Non le triathlon n’est pas encore enterré, mais il faut se poser les bonnes questions.
Dans notre analyse, commençons par une bonne nouvelle.
Comme l’indique ce graphique, 2023 était une année record dans le nombre de participants en 70.3. Est-ce que ces athlètes finiront par faire le transfert vers Ironman? Plusieurs indices semblent indiquer que non. Le premier principe est fort simple, il y a tout simplement moins de courses, mais on voit surtout un changement dans les comportements.
La concurrence.
Si l’athlète hardcore répétait les saisons en Ironman, il y a désormais un transfert vers d’autres expériences comme l’ultra, en course à pied ou en vélo, mais surtout, le principal transfert est vers le gravel. On a d’ailleurs vu plusieurs athlètes pros comme Heather Jackson ou Sebastian Kienle arrêté prématurément leur carrière pro en triathlon pour se lancer en gravel.
Évidemment, il y a aussi le cout monétaire. Après la COVID, les organisateurs de courses, les équipementiers ont dû faire face à des augmentations importantes dans leurs couts et évidemment, c’est le pratiquant qui paye l’addition. Pour beaucoup, il n’est plus possible de justifier des frais d’inscription et du matériel aussi onéreux.
Obligatoirement, l’industrie du vélo est aussi totalement responsable de sa propre chute. Trop obnubilé par les marges possibles sur les vélos les plus chères, elle a oublié de rendre l’offre accessible, performante. Par ce fait, le triathlète qui a le minimum les soucis de performance pense qu’il est impossible de compétitionner sans y mettre un budget très élevé.
Sur le banc des accusés, Ironman y a explicitement sa place puisque cette compagnie n’a jamais voulu aborder les problématiques d’accessibilités et de diversités.
À force de s’adresser uniquement à une élite, ce sport dégage aussi quelque chose d’inaccessible. On a totalement perdu la notion de fun, de réveur. Il faut tout calculer, avoir absolument une coach privée, s’entrainer sans cesse, faire des sacrifices jusqu’à se couper de ses amis et de sa famille ? Évidemment que tout cela n’est pas totalement vrai, mais certains triathlètes ont tellement aimé exploiter cette image d’inaccessibilité qu’ils ont rendu ce sport totalement comme un club fermé.
Perte de visibilité ?
Kona est sans aucun doute le filon d’or pour Ironman. Ce rêve leur a permis de s’emparer d’un monopole sur la longue distance. Une question de branding, mais aussi d’histoire. Depuis quelques années, Ironman ne diffuse plus son reportage sur la télévision américaine (NBC) et ne raconte plus cette fameuse histoire, comme la famille Hoyt (père qui poussait son fils), Madonna Buder qui a terminé un ironman a 82 ans, des célébrités misent au défi… Il y avait toujours cette promesse de dépassement ultime de soi. Ce programme a créé de nombreuses vocations.
Mais, il y a aussi les agissements d’Ironman envers les communautés. De nombreuses destinations se réjouissaient d’accueillir des courses, des villes comme Lake Placid ont fait la notoriété d’Ironman. Puis la corporation a fini par faire du chantage en réclamant de l’argent pour garder leur course. Ses communautés ont alors vu les courses comme des nuisances et les locaux n’ont plus voulu faire du bénévolat.
Finalement, la commercialisation de notre sport l’a rendu de plus en plus inaccessible et beaucoup ont compris qu’ils pouvaient vivre le même niveau d’accomplissement dans des sports qui avaient su se mettre des limites comme le marathon.
Ce qui me fait d’ailleurs très peur avec la PTO, c’est que ses évènements séparent les athlètes pros aux amateurs. Vous n’entendrez plus cette fameuse notion d’accomplissement, de rêver, de réaliser ce qui vous paraissait totalement impossible. La PTO pourrait m’offrir un spectacle sportif, un de ces sports ou si vous n’avez pas franchi les étapes de développement durant votre jeunesse, il est tout simplement inaccessible. Le circuit olympique (WTCS) est exactement comme cela.
Alors quoi?
J’imagine qu’il faut accepter un nouveau paradigme dans la longue distance. Tout est cyclique, non? Il est fort possible que la distance Ironman rennaise d’elle-même quand elle se sera fait un examen de conscience. La bonne nouvelle, c’est que vu la situation, elle n’aura tout simplement plus le choix.
Merci d’ouvrir des débats intéressants au travers de tes articles.
Un autre facteur à prendre en compte, me semble-t-il, est l’impact physiologique. Le fait de courir un marathon après 180km de vélo impact en profondeur l’organisme, même pour les plus entrainés. Pour les « vétérans », qui constituent une bonne part des pratiquants, il faut souvent plusieurs semaines pour récupérer complétement. D’où l’interrogation légitime sur l’impact sur la santé. Autant, un « half » semble anodin et on récupère rapidement (donc on est tenté de multiplier les épreuves). Autant un « full » semble devoir être pratiqué avec parcimonie. Je dois être à un ratio de 4/5 « half » pour 1 « full », comme beaucoup j’imagine. Du coup, il est assez logique que le format « half » connaissent un succès bien supérieur au format « full ».
Pratiquant depuis 35 saisons, Ironman est devenu inaccessible lorsque l’on ne peut se financer qu’un full tous les 1 voire 2 ans. Imaginez, en plus, lorsque cela se termine par un abandon : pas de possibilité de se rattraper dans les semaines suivantes ! J’ai connu L’IM de Zürich à 300€ avec deux repas (avant et après course) servis à table. Désormais à au moins 700€ sans ces prestations, je crois. Le reste du budget passant dans le renouvellement des pièces d’usure (pneus, chaussures etc…).